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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

vendredi 7 mars 2008

Goldoni et la polenta



Je lis en ce moment La Donna di garbo (La dame de qualité, 1743) de Carlo Goldoni, comédie subtile et légère sur le mariage entre personnes de conditions sociales différentes. A mon grand étonnement, le dramaturge vénitien évoque la préparation de la polenta, cette bouillie onctueuse, jaune, à base de farine de maïs, originaire du Veneto, qu'on utilise aussi en Suisse, en Savoie, en Croatie, en Slovénie, en Serbie en Roumanie, en Corse ainsi que dans certains états d'Amérique latine (Mexique, Uruguay, Argentine, Brésil). Dans la gastronomie vénitienne, la polenta a nourri des générations de paysans, de pêcheurs, de bergers italiens. Jusque dans les années 1950, elle est l’élément dominant et l’accompagnement idéal des plats rustiques ou raffinés.

Goldoni en fait dire la recette par Rosaura à Arlequin :

"On remplira une belle casserole d'eau et on la placera sur le feu. Quand l'eau commencera à murmurer, je prendrai cette poudre belle comme de l'or, nommée farine jaune et, peu à peu, la laisserai fondre dans la casserole dans laquelle, toi Arlequin, à l'aide d'une verge savante, tu dessineras des cercles et des lignes. Quand la matière sera condensée, nous la retirerons du feu et tous les deux de concert, l'un aidé d'une grosse cuillère, nous la ferons couler sur un plat. On répandra dessus, à petits coups de main, un abondant morceau de beurre frais, jaune et délicat, puis autant de fromage jaune [le parmesan] bien gratté, puis? Puis Arlequin et Rosaura, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, armés chacun d'une fourchette, nous prendrons deux ou trois bouchées à la fois de cette polenta si bien préparée et nous en ferons un repas d'empereur."

Passionnante pour l'homme contemporain, cette description pouvait paraître longue et superflue au public vénitien pour lequel la polenta n'avait pas de secret. Il est clair que la tirade était destinée à un public non initié et que Goldoni avait, en écrivant ces lignes, clairement l'ambition de faire exporter son théâtre et la culture vénitienne à l'étranger. L'auteur oublie pourtant de rappeler qu'il faut ajouter un peu de sel dans l'eau, que la cuisson dure une heure, qu'elle s'effectue dans un chaudon de cuivre, et qu'il faut remuer la mixture tout ce temps si l'on veut en obtenir une texture parfaite. La polenta est versée ensuite sur un plat circulaire en bois et on la couvre d'un chiffon. Elle repose une dizaine de minutes pour se solidifier. Ensuite, on la sert à l'aide d'une cuillère qui ne peut être qu'en bois. Lorsqu'elle est plus épaisse, elle est découpée au moyen d'un couteau, également en bois, ou d'une ficelle!

Aujourd'hui, les Italiennes utilisent en général des polentas industrielles prêtes en quelques minutes, mais ni la texture (trop solide) ni le goût (trop gras) n'ont d'équivalent avec la préparation artisanale. Il existe des chaudrons de cuivre avec un mécanisme électrique permettant de tourner la polenta et de renouer ainsi, d'une certaine manière, avec la tradition.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous trouverez sur le net une vidéo de la préparation de la polenta

http://www.dailymotion.com/relevance/search/polenta/video/xmei2_maryjoses-polenta_creation

C'est moins poétique que Goldoni mais bien fait.
Thérèse

Stéphane DADO a dit…

Merci Thérèse,
La voix est criarde... Elle respecte cependant à la lettre la tradition et se sert d'ustensiles en bois...

Personnellement, dans la polenta, j'aime ajouter en plus du beurre et du parmesan un peu de muscade râpée et un peu de poivre... ou alors des graines de cardamone, même si cela n'a plus rien à voir avec la cuisine vénitienne.