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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

samedi 8 mars 2008

La musique grecque : un héritage familial

Si j'ai une passion absolue pour la musique grecque, je la dois à mes parents. Cette musique a bercé mon enfance. Ma mère se rappelle que je chantais par coeur à longueur de journée toutes les chansons de l'époque. Tout cela est vague pour moi, je me souviens tout au plus avoir admiré à ses côtés quelques chansons de Rita Sakellariou, grande dame de la chanson grecque à la voix profonde et un peu raillée qui chantait comme personne les chagrins d'amour. Je devais avoir quatre ou cinq ans. A cette époque, mon père était très ami avec les membres du Trio Hellénique, des chanteurs et joueurs de bouzouki qui, dans les années 60 et 70, faisaient une belle carrière aux Pays-Bas et en Allemagne en exportant la chanson populaire grecque (les "laïka"). Nous avions quelques disques du Trio, assez bon d'ailleurs, nous allions les écouter régulièrement en concert, mais ce qui me rendait le plus fier, c'était de les avoir à notre table quand bien même ils n'étaient pas là pour chanter. Quelques rares photos jaunies subsistent qui m'ont permis de ne pas oublier ces instants magiques. Dont celle-ci avec ma mère et moi à l'avant-plan.




Mon grand-père paternel était aussi de la partie lorsque les musiciens étaient à la maison. Lui qui avait ouvert la meilleure pâtisserie d'Istanbul (à Kurtulush non loin de Taksim et de Galatasaray), avait la réputation d'être un excellent violoniste (il pratiquait le kemance). Il a animé beaucoup de soirées en Turquie d'après la mémoire familiale, mais abandonna son violon lorsqu'il lui fallu émigrer en Belgique dans les années 50, quand les Turcs se sont mis à persécuter les communautés gréco-albanaises. Il devait être heureux de se retrouver en compagnie de musiciens à Bruxelles les dernières années de sa vie. C'est du moins ce que j'en déduis aujourd'hui car je n'ai plus souvenance de lui.

Giorgos Mitsakis & Anna Marianna, To kavgadaki (1963)


Vers 1977-1980, au contact de la télévision et de la radio, la musique pop (Abba), les rythmes discos (Boney M ou les Bee Gees) ou la chanson française (Michel Berger puis France Gall) ont fait leur apparition dans mon univers sonore, supplantant ce qui était désormais la musique de mes parents. En 1986, à 15 ans, j'ai acheté le double album live de Nana Mouskouri au Théâtre d'Hérode Atticus à Athènes. Je n'ai jamais compris ce qui m'a poussé à acheter ce disque. Peut-être la photo du théâtre antique sur la pochette (je commençais à m'intéresser à l'archéologie grecque antique à l'époque). Ce fut un coup de foudre et le disque est resté d'ailleurs dans mes 10 CD fétiches. A l'époque cette achat n'était qu'une parenthèse. Ce n'est qu'au milieu des années 90 que ma discothèque hellénique a commencé à prendre forme, en partie grâce à mon amie Daisy qui m'emmena voir un soir, à l'agora, le centre grec de Liège, Angélique Ionatos. Ce fut le moteur d'un indispensable retour aux racines musicales de ma famille. Des années plus tard, Ionatos m'a raconté que c'est à Liège que son attachement pour la musique grecque s'est fait sentir. Au début des années 80, elle étudiait l'histoire de l'art à l'Université de Liège, Place du XX Août. A l'occasion d'un concert de Mikis Theodorakis à la Salle Philharmonique (à l'époque appellée "Conservatoire"), elle fut tellement fascinée par son répertoire qu'elle se décida à devenir chanteuse. Elle souhaitait exalter ses racines grecques....

Curieusement, ma propre redécouverte de la musique grecque ses dernières années s'est accompagnée d'une incroyable révélation. Ma mère m'a appris récemment qu'elle a fréquenté deux des plus grands chanteurs grecs du XXe siècle. En 1949-1950, son père adoptif et elle allaient écouter tous les samedis dans une taverne de Thessaloniki la grande Sophia Vembo (ou Vebo), chanteuse de la résistance aux graves veloutés. Ma mère était une belle adolescente à la voix bien posée. Vembo l'invitait régulièrement à chanter à ses côtés les "mangika" de l'époque. Il était inconcevable à l'époque qu'une jeune fille de 15 ans sorte ainsi dans des tavernes, ma mère eut pourtant cette chance.

Sophia Vembo : "O minas exai dexatris" (Le treize du mois), en 1955

En 1953, elle abandonna Salonique pour Athènes. En compagnie d'amis, elle allait entendre chaque week-end jusqu'à trois quatre heures du matin, le plus grand chanteur que la Grèce ait porté : Vassilis Tsitsanis. Elle se souvient de nombreuses soirées en sa compagnie, ils chantaient et festoyaient jusqu'aux petites heures, Tsitsanis appelait ma mère la jolie "mannequin" de Salonique. Elle le trouvait assez laid (il l'était), trouvait sa voix un peu criarde, mais ses chansons étaient de véritables hymnes pour la Grèce entière. Tout cela prit fin lorsqu'elle quitta la Grèce en 1958.

Je reste stupéfait et admiratif de telles rencontres. Sans doute, l'origine véritable de mon amour pour le rembetiko d'après guerre est-il lié à ces rencontres exceptionnelles ! Les liens du sang sont véritablement impénétrables!

Vassilis Tsitsanis : "To Vapori ap'tin Persia" (Le bateau de Perse)

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Quels sont les chanteurs et chanteuses grecs que tu écoutes le plus aujourd'hui? Si tu devrais conseiller 5 albums, lesquels choisirais-tu?

Isabelle

Stéphane DADO a dit…

Les indispensables : Melina Mercouri, les premiers Nana Mouskouri, Marinella, Stelios Kazantzidis, Markos Bambakaris, Viky Mosxoliou, Kaiti Grei, Glykeria, Nena Venestanou, Stavros Xarhakos, Poli Panou, Giorgos Dalaras, Nena Venetsanou, Stamatis Kokotas Angelique Ionatos, Maryó, Manolis Hiotis, Haris Alexiou, Irini Papas, Grigoris Bithikotsis, Giorgos Zampetas, Dimitra Galani, Anna Vissi.

Pour les 5 albums... dur dur, outre le live de Nana, je garderai :

Nana Mouskouri, I megales epitihies (2 CD)

Mikis Theodorakis, Best of (2 CD)

Glykeria, Ta Rembetika tis Glykerias (2 CD)

Stelios Kazantzidis, Dekaetia 50-87 (5CD)

Melina Mercouri, Melina

et aussi

Nena Venetsanou, Zeimbekiko

Grigoris Bithikotsis, Me ton Grigori (2 CD)

Vasilis Tsitsanis, Hommage à Tsitsanis - Bouzouki

Angélique Ionatos, Chansons nomades

Haris Alexiou, Live au Keramikos (2 CD)

Stavros Xarhakos, Aman... Amin (2CD)

Irini Papas, Irini Papas se 11 tragoudia tou Miki Theodoraki

Ahillea Mantsiri, Sto Volo kai sti Larissa

Anna Vissi, Antidoto

Sarris & Xintaris, To minore ths avghs

Giorgos Dalaras, Afierwma Ston Marko Vamvakari (2CD)

C'est pas mal non?

Anonyme a dit…

Beaux souvenirs ! et qui m'en évoquent d'autres dans la Grèce de mon enfance, dans les années 50... Merci, cher Stéphane, pour l'envoûtante voix de Sophia Vembo.
Marianne

Fanouris a dit…

Je suis prof de danses Grecque en Belgique et je fête le 9 mai 2009 cet évènement à Charleroi ville qui m'a vu grandir. Pour cette occasion j'ai invité 30 danseurs qui viendront de Grèce ainsi que mes 45 danseurs pour un diner spectacle et s'en suivra une soirée dansante ouverte à tous ! Si vous le souhaitez je vous donnerais les infos. Fanouris

Unknown a dit…

Je suis allée en Grèce en stop avec une amie en 1977,nous sortions de l'école d'infirmières.Les grecs que nous avons connus nous ont fait découvrir Marinella,un concert de 1977,que j'ai en K7 audio,et que j'écoute toujours,avec la même émotion;j'ai découvert ensuite lesRebetika et Demotika,chantés en grec et traduits en français,par un professeur de grec avec lequel nous avons voyagé en 1998.Formidable,etdemain soir ,je vais revoir Angélique Ionatos à Tours...un bonheur en perspective.Merci de votre site.