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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

jeudi 6 mars 2008

Paul Klee : un théâtre de la vie au PBA

Depuis 1948, la Belgique n'avait plus connu d'exposition majeure consacrée à l'artiste suisse Paul Klee. 60 ans plus tard, le Palais des Beaux-Arts propose en collaboration avec le Centre Paul Klee de Berne, une superbe rétrospective à voir jusqu'au 11 mai, axée sur les liens de Klee à la musique, d'une part (un volet confié à ce commissaire de marque qu'est le compositeur Pierre Boulez) et les rapports de Klee à l'opéra, au théâtre, aux marionnettes ou au cinéma, de l'autre, partie la plus développée de l'exposition.

Le théâtre est une véritable passion pour Klee. S'il n'a jamais exercé d'activité pour un théâtre, à part une tentative avortée de mise en scène du Don Giovanni de Mozart, il s'est approprié les différents arts scéniques dans sa peinture. Fin observateur, Klee trouve également dans le quotidien une source d'inspiration, considérant que la vie est à sa façon une grande scène de théâtre, avec ses conversations animées, les mimiques dramatiques des gens ou leurs gestes typés. Klee observe souvent ses concitoyens de loin à l'aide de jumelles (cela permet de voir sans être vu), il est attentif aux gestes et aux expressions faciales souvent très développées qu'il reproduit dans sa série de masques, de visages dédoublés, symboles de l'hypocrisie du régime nazi ou expression de la mort. Klee va même jusqu'à étendre le pouvoir du théâtre au monde animal ou végétal (Animaux jouant la comédie, 1937).

L'opéra est pour l'artiste le "summum du théâtre". Klee a assisté sa vie durant à plus de 300 représentations d'opéra (surtout Mozart et Wagner) à Berne, Munich, Weimar ou Dessau. A l'inverse du théâtre parlé, jugé trop réaliste, l'art lyrique l'intéresse pour ses codes particuliers, aux antipodes de l'imitation de la vie quotidienne et des clichés du théâtre bourgeois. La modernité de l'opéra tient dans son antiréalisme tant les acteurs sont dans un contexte artificiellement exagéré qui ne rentre pas en concurrence avec le quotidien. Ce goût d'un art antiréaliste, Klee va la reprendre à son compte, son œuvre refuse l'imitation des choses qui nous entoure car "l'art ne montre pas le visible". L'opéra joue ainsi un rôle fondamental dans la constitution de son imaginaire pictural à l'inverse du cinéma, trop réaliste qui n'inspire à l'artiste que de rares dessins d'acteurs (Chaplin, Fritzi Massary) vraisemblablement copiés à partir de magazines. Les thèmes de théâtre et d'opéra parcourent en revanche sa peinture. Retenons, en 1921, un étonnant Bartolo des Noces de Figaro, imposant par son traitement de l'espace pictural en tant que scène de théâtre.



La danse contemporaine fascine également l'artiste. Rejetant l'école "Art nouveau" d'une Loïe Füller, trop décorative par ses jeux de voiles, Klee vénère la danseuse japonaise Sada Yakko dont la "primitivité" des gestes est l'exemple même de la modernité. La simplicité brute, abstraite de Yakko influence quelques superbes tableaux parmi lesquels le Ballet abstrait (1937), une toile où les danseurs sont réduits à une combinaison stupéfiante de lignes droites. Célèbre danseuse de l'école de Dresde dans les années 20 et 30, Palucca et ses fameux "sauts" vont jouer également un rôle déterminant dans l'élaboration du mouvement dans la peinture de Klee.

Le cirque est une autre composante majeure de son art. Klee s'est rendu régulièrement aux représentation du cirque Knie, tout comme il a vu le cirque américain Barnum, en 1902, à Berne. Les clowns le fascinent (apparentés au monde du masque), plus encore les numéros de voltige qui symbolisent pour Klee l'exposition maximale des artistes au danger. Ses travaux sur les acrobates (Le Funambule, 1923) vont de pair avec une réflexion sur les notions d'équilibre et de chute, notions perceptibles dans les nombreux jeux de lignes qui traversent ses tableaux.

Enfin, Klee ne serait pas l'artiste que l'on sait s'il n'avait pas intégré dans son œuvre le monde des marionnettes. En particulier, celles du théâtre forain de l'Aeur Dult de Munich avec son cortège de Kasperl, Gretel, de gendarmes, de diables qui stimulent fortement l' imaginaire de l'artiste. Cette panoplie de personnages, Klee va l'introduire également dans la sphère familiale. Il conçoit pour son fils Félix une cinquantaine de marionnettes à l'image des héros populaires, des personnages d'opéra, voire de collègues qui travaillent avec Klee au Bauhaus!

La partie finale de l'exposition présente les interrogations de Klee sur les corrélations entre musique et peinture. Fin connaisseur de la musique (il a longtemps pratiqué le violon), l'artiste développe dans ses tableaux une réflexion très poussées sur les notions de variations (sur une couleur, un motif), de rythmes (le travail des espaces ou des lignes) ou de polyphonies (les superpositions de motifs) qui rendent son art terriblement attachant pour tout amateur de musique. Les pièces choisies par Boulez pour ce volet sont remarquables. Un piano installé dans une des salles diffuse en permanence la musique du compositeur français, contrepoint habile entre deux univers aux similitudes évidentes.

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