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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

jeudi 21 mai 2009

Les Pomaques, montagnards du Rhodope

Pendant les cinq siècles de l'occupation des Balkans par l'empire ottoman, l'islam s'introduisit dans la région soit par le biais des colons turcs, soit par le biais de la conversion de certaines populations autochtones. C'est la cas des Pomaques de Bulgarie, islamisés au XVIIe siècle. Slaves, bulgarophones et musulmans, les Pomaques résident dans les villages des monts du Rhodope, qui s'élèvent de part et d'autre de la frontière gréco-bulgare. Une frontière tracée là à la suite de la Première Guerre mondiale, avec pour conséquence la séparation de la communauté pomaque entre la Grèce et la Bulgarie. On estime à 40 000 leur nombre en Thrace grecque, et à quatre fois plus côté bulgare. Leur langue a la particularité de n'être qu'orale, ce qui contribue à maintenir leur histoire largement dans l'ombre.

Peu connus des Grecs orthodoxes, les Pomaques connaissent une forte émigration vers les centres urbains de Xanthi et de Komotini, les deux principales villes de Thrace occidentale, surtout depuis 1995 : cette année-là, le gouvernement grec a décidé de supprimer la "zone de circulation restreinte" dans laquelle tous les villages pomaques étaient compris. En totale contradiction avec les règles de libre circulation de l'Union européenne, cette zone avait pour but de restreindre au maximum les contacts entre la communauté pomaque et la communauté turque de Thrace occidentale afin d'empêcher l'émergence d'un mouvement revendicatif regroupant tous les musulmans de Grèce.

vendredi 15 mai 2009

Etrange destin de la Thrace musulmane

L'origine de la présence musulmane en Thrace - la partie orientale de la péninsule balkanique - remonte au XIVe siècle. En 1361, les Ottomans annexent la Thrace, puis se rendent maîtres pour cinq siècles de toute la partie centrale des Balkans et, notamment, de la Grèce. Commencée en 1821, la guerre d'indépendance grecque ne parviendra pas à chasser définitivement les Turcs de l'actuel territoire grec. En 1878, le traité de Berlin créé la Bulgarie sur le territoire de la Thrace septentrionale. Seule la Thrace méridionale en bordure de la mer Egée (toujours occupée par les Ottomans) prend désormais le nom de Thrace. En 1912, la Première guerre balkanique est déclarée : face à l'alliance de la Grèce avec la Bulgarie et la Serbie, l'Empire ottoman s'incline et évacue tous ses territoires à l'ouest du fleuve Evros. C'est de cette époque que date la division de la Thrace méridionale en Thrace occidentale et Thrace orientale : celle-ci, située entre le fleuve Evros et Istanbul, reste aux mains de la Turquie. Un territoire qu'elle conserve encore de nos jours, ultime possession turque dans les Balkans. Mais le fait est là : en se retirant de la partie ouest de la Thrace, l'Empire ottoman a laissé derrière lui nombre de Turcs installés dans la région depuis des siècles, ainsi que des populations converties à l'islam : les Pomaques (Slaves islamisés) et les Yiftis (Tziganes islamisés).

A l'issue de la seconde guerre balkanique de 1913, qui voit la Bulgarie s'opposer à la Serbie et à la Grèce pour le partage des dépouilles balkaniques de l'empire ottoman, la Bulgarie hérite de la Thrace occidentale. Pas pour très longtemps : sa défaite dans la Première Guerre mondiale la prive de cet accès à la mer Egée. Un gouvernement interallié occupe la Thrace occidentale et laisse finalement la place aux Grecs en 1920, en leur attribuant même la Thrace orientale jusqu'aux premiers faubourgs d'Istanbul. L'Histoire en resterait là si ne survenait la guerre gréco-turque, de 1920 à 1923 : après une série de défaites, Mustafa Kemal inverse la tendance, chasse les armées grecques d'Anatolie et reprend la Thrace orientale. En juillet 1923, le traité de Lausanne fixe la frontière sur le fleuve Evros, entérinant la division de la Thrace, et inaugure pour la première fois dans l'Histoire la légalisation du transfert massif de populations : Grecs et Turcs se mettent d'accord pour se renvoyer mutuellement des centaines de milliers de ressortissants, qui viennent s'ajouter à tous ceux qui ont déjà fui leur terre pendant la guerre. En tout, 1 400 000 Grecs d'Asie Mineure sont chassés de Turquie, et 400 000 Turcs sont chassés de Grèce. Seule concession mutuelle : la Turquie s'engage à maintenir le Patriarcat orthodoxe d'Istanbul et à ne pas chasser la minorité grecque de la ville, en échange de quoi les musulmans de Thrace occidentale sont exclus des transferts de populations. C'est la raison pour laquelle, on trouve encore aujourd'hui cette minorité turcophone Thrace grecque, principalement dans et autour des grandes villes de Xanthi et de Komotini.

Aux lendemains des transferts de populations de 1923, la minorité turcophone de Thrace ennuie Athènes. L'idéal serait qu'elle parte d'elle-même, sous la pression des autorités. Mais pour celles-ci, la marge de manœuvre est faible : la minorité est doublement protégée. D'une part, par la présence du Patriarcat orthodoxe d'Istanbul et des quelques 250 000 Grecs encore présents en Turquie, principalement au Phanar, le quartier grec d'Istanbul. Des Grecs que la Turquie pourrait facilement oppresser si Athènes tentait de faire la même chose aux Turcs de Thrace. Et d'autre part, par le traité de Lausanne lui-même, qui prévoit toute une série de mesures garantissant les droits religieux, linguistiques et scolaires des deux minorités.

Des garanties qui seront bien souvent ignorées d'un côté comme de l'autre. Côté turc, l'épuration ethnique s'est ouvertement poursuivie à la faveur troubles anti-grecs de 1955, 1964 et 1974, lors desquels la population grecque fut presque entièrement chassée. Il ne reste aujourd'hui qu'environ 10 000 Grecs en Turquie, dont 3000 à Istanbul… Côté grec, la minorité turque de Thrace n'a certes pas connu le même sort, mais a vu certains de ses droits niés par les régimes successifs à Athènes. Mais surtout, les autorités hellènes ont cherché à plusieurs reprises à inverser les rapports de forces démographiques en Thrace occidentale. Et ce dès la signature du traité de Lausanne.

Dans la seconde moitié des années 1920, Athènes entreprit d'installer des réfugiés grecs d'Asie Mineure en Thrace, et particulièrement dans le département de l'Evros, limitrophe de la Turquie. Un département déjà vidé d'une grande partie de ses Turcs en 1913, à la suite d'un échange de populations entre la Turquie et la Bulgarie, alors propriétaire des lieux. La proportion des Grecs musulmans de Thrace occidentale va ainsi fléchir face à l'arrivée des Grecs orthodoxes. En 1920, on estimait à 86 000 le nombre de musulmans en Thrace grecque, c'est-à-dire 42 % de la population de la région. En 1928, leur nombre avait grimpé à 103 000 du seul fait de la natalité, mais la proportion n'était plus que de 34 %.

De très nombreux orthodoxes de Thrace ont leurs racines en Asie Mineure. Tous ont leur histoire tragique transmise de mémoire en mémoire au fil des générations. Mais contre toute attente, les deux communautés vivent sans heurts notables depuis des décennies. L'une des raisons qui explique ce calme relatif est peut-être la stabilité numéraire de la minorité turcophone. Depuis les années 1920, la vitalité démographique des musulmans de Thrace grecque est compensée par une très forte immigration, vers l'Europe occidentale (l'Allemagne notamment) et surtout la Turquie, où ils forment d'importantes communautés à Istanbul, Burga ou Izmir. En 1951, on comptait 105 000 musulmans en Thrace occidentale, soit 31 % de la population totale de la région. Des chiffres peu éloignés des estimations actuelles : 110 000 musulmans (dont 55 % de turcophones, 35 % de Pomaques et 15 % de Yftis), soit 35 % de la population de Thrace occidentale.

Pourtant, il s'en est fallu de peu qu'Athènes parvienne à noyer la présence musulmane de Thrace dans un flot orthodoxe. En 1987, à la faveur de la perestroïka, les Grecs d'Union soviétique sont autorisés à immigrer pour rejoindre leur mère patrie. Estimés à 400 000, les "Pontios" (ou Grecs du Pont-Euxin) du Caucase et d'Asie centrale ont profité de l'aubaine, amplifiée par la chute de l'URSS en 1991. Les autorités grecques ont canalisé l'arrivée des Pontios vers la Thrace, région la moins peuplée de Grèce et où la place ne manque pas. Un choix calculé ? En tout cas, ces Pontios providentiels ne pouvaient qu'helléniser un peu plus la Thrace occidentale, en palliant du même coup le manque d'enthousiasme des Grecs à venir s'installer dans une région sur laquelle ils ont les plus mauvais préjugés. Pour y fixer les Pontios, des quartiers entiers ont été construits par le gouvernement grec en bordure de certaines villes, dont Sapes.

Beaucoup de familles vivent dans les maisons toutes neuves du quartier pontios de Sapes. Des maisons que le gouvernement a donné gratuitement aux familles pontios en échange d'un engagement de leur part d'y rester au moins vingt ans. Presque tous les grecs de Russie sont partis, exception faite des plus vieux. La plupart arrivent en en 1992, avec l'intime conviction que leur avenir ne pourra qu'y être meilleur, malgré le fait d'y avoir laissé leurs parents, malgré un certain "mal du pays". A leur arrivée, ils ont des cours de grec gratuits.

Les tensions ethniques provoquées par cet afflux d'orthodoxes n'ont pas duré bien longtemps. Sur les 100 000 Pontios parvenus en Grèce depuis 1987, 40 000 se sont installés en Thrace, mais… 20 000 y sont restés, les autres préférant quitter cette région déshéritée, où ils ne trouvent pas de travail, pour les banlieues de Thessalonique ou d'Athènes. Résultat, la proportion des musulmans et des orthodoxes de Thrace occidentale n'a que très faiblement varié. Et le flux des Pontios s'est tari depuis cinq ans.

Malgré les dispositions du traité de Lausanne, les musulmans de Thrace ont longtemps été niés par la Grèce. Ce n'est qu'en 1991 que le premier ministre grec Mitsotakis a reconnu la situation de discrimination. Pour la première fois, les musulmans de Thrace ont eu l'autorisation d'acheter des biens fonciers, de restaurer leurs maisons et leurs mosquées, ou encore de passer leur permis de conduire des tracteurs. Mais c'est pourtant la même année que la querelle des muftis a commencé : le gouvernement a alors décidé de nommer lui-même les muftis de la communauté musulmane, alors que le traité de Lausanne garantit aux musulmans le droit de nommer eux-mêmes leurs chefs. Une situation qui a amené certains muftis jusqu'en prison pour exercice illégal de la profession. Avec l'égalité dans les conditions d'accès aux emplois dans l'administration, la question de la nomination des muftis est l'une des dernières revendications des Grecs musulmans. Des litiges qui ne devraient pas tarder à être résolus : le récent rapprochement gréco-turc et le désir d'Athènes de s'aligner totalement sur les pratiques de l'Union européenne en matière de droits de l'homme démontrent la bonne volonté des deux parties de progresser rapidement sur la voie du dialogue.

dimanche 3 mai 2009

Schiermonnikoog

Court séjour à Groningen pour le 1er, afin d'y voir la très belle exposition Waterhouse. Et petit détour par l'île de Schiermonnikoog, en Frise, magnifique réserve naturelle où la voiture est interdite et qu'on admire à pied ou à vélo.