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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

lundi 10 mars 2008

Expo 58 : 3 questions à l'historien Pierre-Jean Tribot

Dans le cadre des 50 ans de l'Exposition universelle de 1958, le Musée de l'architecture de Bruxelles propose une très belle exposition sur le « style 58 », caractérisé par l'abandon des symétries monumentales, le recours à l'oblique et aux courbes, aux murs de verre, aux matériaux lisses et colorés comme l'eternit émaillé ou encore marqué par l'apparition des structures tendues, des coques hyperboliques…

A l'occasion de cette manifestation, nous avons posé trois questions plus générales sur l'Expo 58 à l'historien français Pierre-Jean Tribot, auteur d'un ouvrage (sous presses) sur le sujet, que nous remercions pour cette passionnante contribution.

L’Expo 58 a-t-elle modifié l’image internationale de la Belgique ?

Je ne pense pas que l’Expo a profondément modifié l’image internationale de la Belgique. En 1958, le pays jouit d’un grand prestige international. Bruxelles a tout de même dépassé sur la ligne d’arrivée Paris et Londres qui étaient aussi candidates pour accueillir cette première Exposition universelle de l’après seconde guerre mondiale. En 1958, tout va très très bien : le pays est lancé sur les chemins de la croissance, le niveau de vie est élevé, il n’y a pas de chômage et la Belgique se positionne dans les institutions internationales nouvellement crées : OTAN, CECA, EURATOM, OECE, CEE….Cela étant, l’Expo 58 apparaît comme l’apothéose d’une certaine Belgique : colonialiste, francophone, unitaire, minière…Mais aussi l’amorce de la Belgique « contemporaine » en proie aux crises « identitaires » avec le déclin de la Wallonie et l’affirmation économique de la Flandre. Rapidement, des pans entiers d’une certaine idée de la Belgique vont s’effondrer : le Congo, les mines…C’est en 1958 que la Volksunie obtient son premier siège à la chambre tout un symbole ! D’ailleurs l’Expo 58 a servi de caisse de résonance aux revendications flamandes alors menées par une nouvelle génération d’hommes, souvent très jeunes, à l’image de Wilfried Martens. Dans une perspective historique, l’année 1958 est sans aucun doute une importante charnière.

Par contre pour Bruxelles, l’Expo 58 en a profondément modifié l’image. Les travaux entrepris (et souvent pas terminés !) à l’occasion de l’Expo sont impressionnants : Mont des Arts, central téléphonique à côté de la gare centrale, nouveau terminal des postes à la gare du Midi, Cité administrative, Tour Rogier, immeuble de la Prévoyance sociale, Cité modèle, galerie Ravenstein, parkings, nouveau terminal à Zaventem, portion de Ring entre les autoroutes de la mer et d’Anvers... Sans oublier la transformation des routes avec la petite ceinture qui deviennent des autoroutes urbaines avec en porte drapeau le très disgracieux viaduc qui enjambait le canal à hauteur de la place Sainctelette. On critique maintenant, avec virulence, cette « bitumisation » et « bétonisation » de la ville. Cela étant, cette évolution était, dans la mentalité de l’époque, inévitable. Les infrastructures étaient inadaptées, et pour les élites, il fallait que la Bruxelles européenne soit digne de l’honneur qui lui était fait en tant que ville d’accueil de l’Expo 58 puis en tant que « siège provisoire » des institutions des Communautés économiques européennes ! Mais, ces travaux ont somme toute été assez raisonnables, même en comptabilisant les erreurs urbanistiques comme la Cité administrative. Les services techniques avaient dans les cartons des projets encore bien plus radicaux et puis les autorités feront bien pire, en terme de désastre urbanistique, architectural et humain, avec le quartier Nord à Laeken ou le quartier européen…


La flèche du Génie civil

Quelles ont été les principales découvertes et révélations pour le public de l’époque ?

Globalement, la grande découverte, c’est le « monde ». En 1958, les voyages sont très rares et encore réservés à une élite financière et sociale. Alors, pouvoir visiter et découvrir des pays et des cultures en quelques kilomètres à travers l’Expo ce fut pour des millions de visiteurs un bonheur inouï tout comme croiser de « vrais » étrangers. De plus, le cachet général de l’Expo était résolument « moderne ». Même si il s’agissait en simplifiant d’un « modernisme édulcoré de bon goût », de nombreux pays avaient joué la carte d’une certaine radicalité architecturale. Ainsi, les visiteurs découvrirent avec fascination le pavillon de la Tchécoslovaquie : qu’un pays communiste présente un bâtiment aussi en phase avec son époque avait fortement marqué les esprits. C’est aussi l’époque de la démocratisation de la télévision et des retransmissions. L’écrivain Jean-Baptiste Baronian m’a ainsi raconté qu’il se rendait chaque jour de juillet à l’Expo écouter en direct l’arrivée de l’étape du Tour de France. Au fond, tout le monde, pouvait trouver à l’Expo de quoi rassasier sa curiosité modernisante : pour les architectes ce fut le plan de Brasilia exposé au pavillon brésilien, pour les aviateurs ce fut la Caravelle, premier avion à réaction à pouvoir décoller et atterrir de manière automatique, exposée au pavillon des transports. C’était aussi une époque de confiance aveugle dans l’avenir et dans la technologie et surtout dans l’énergie atomique, largement vantée au fil de l’Expo.

A.WATERKEYN, Esquisse pour l'Atomium

Quel fut l’impact de l’expo 58 sur l’architecture et les arts plastiques de l'époque?

C’est une question très vaste. Je ne pense pas que l’Expo a marqué une rupture importante dans l’histoire de l’architecture, du design et des arts. Même si les réalisations modernes dominaient presque exclusivement, ces bâtiments subirent les foudres des critiques spécialisés qui les considéraient plus comme des décors fantoches que comme de véritables bâtiments. Ce n’est pas pour rien que ces constructions furent qualifiées, avec un grand dédain, de« style Spirou » ou style « Atome », ravalant ces édifices au rang de décors des planches de Franquin ou Jidéhem. La période 1970-1980, marque ainsi l’apogée de ce rejet de cette esthétique. Ce n’est pas surprenant, fortement caractéristique de son époque, elle est vite tombée dans l’oubli une fois la mode passée. Pourtant, il y avait des réalisations de grande qualité que l’historiographie récente restaure judicieusement : les pavillons de la Finlande, du Brésil, du Japon, de la Turquie, de l’Italie. Mais les principales avancées étaient techniques avec des structures à câbles, des paraboloïdes hyperboliques, des structures autoportantes, gonflables ou des charpentes en bois. C’est dans ce cadre, qu’il faut saluer, outre l’Atomium, les pavillons de la France, des Etats-Unis, Philips, du restaurant Marie-Thumas, la flèche du génie civil, le pavillon de la Pan Am. Constructions éphémères, les pavillons des expositions permettaient des audaces techniques alors que les architectes et ingénieurs étaient pris d’un véritable vertige de l’expérimentation. En terme de design, cette époque reste encore mal connue. Un grand soin avait été apporté aux présentations, aux graphismes et à la signalétique : Raymond Loewy, le père de l’esthétique industrielle avait été invité à dessiner les mats indicateurs. Mais il est frappant de constater qu’un designer comme Willy van der Meeren n’avait pas été convié à l’Expo. En matière d’arts plastiques, de grands efforts avaient été réalisés pour montrer ce qu’il se faisait de mieux. Il y avait des expositions « internationales » dans les grands palais mais aussi dans les pavillons nationaux et thématiques.

LE CORBUSIER & XENAKIS, Pavillon Philips



3 commentaires:

Anonyme a dit…

Si vous avez envie de vous replonger dans l'ambiance de l'expo 58, la RTBF a crée une webradio avec musique d'époque et archives, que vous pouvez trouver ici : http://rtbf.gmt2.com/flux10.php

Anonyme a dit…

Très intéressant,l'interview de Pierre-Jean Tribot.
Savez-vous que c'est à l'Expo 58 qu'eut lieu une des premières rencontres internationales d'orchestres de jeunes, organisée par les Jeunesses Musicales de Belgique ? C'est le jeune Jacques Mauroy qui en était chargé.
Moi, j'avais 9 ans, je tenais la main de ma mère dans les allées de l'Expo...
Marianne

Stéphane DADO a dit…

Chère Marianne,

Je vous recommande la lecture de son livre sur l'expo qui vient de sortir...
Excellent...
J'en apprends des choses sinon :-)