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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

lundi 4 février 2008

Namur expose le musée imaginaire de Maurice Maeterlinck

Le théâtre de Maeterlinck est une épiphanie des mondes invisibles. La réalité y est moins fondamentale que les références à une expérience spirituelle, à des profondeurs cachées qui peuvent être aussi bien celles de notre inconscient que la révélation des mystères sacrés de la nature. Cette révélation se fait moins par l'usage de mots à l'état pur que par le tissage complexe de symboles et d'images dans le discours textuel, mise en correspondance qui donnera son nom à ce mouvement bien connu qu'est le Symbolisme. L'exposition "Le Musée imaginaire de Maurice Maeterlinck" qui vient d'ouvrir au Musée Félicien Rops de Namur (jusqu'au 13 avril) démontre comment ce symbolisme est tributaire d'une confrontation à l'image.

L'exposition montre tout d'abord que c'est par sa fréquentation et sa connaissance de la peinture ancienne que Maeterlinck en est arrivé à inclure dans ses texte une dimension visuelle importante. Sa première expérience littéraire, Le Massacre des Innocents, conte publié en 1896 s'inspire directement du tableau homonyme de Bruegel l'Ancien. La peinture médiévale flamande prend d'ailleurs une fonction matricielle dans l'imaginaire de Maeterlinck (qu'on retrouve dans La Princesse Maleine, Les sept princesses, Les Aveugles, L'intruse, Pelléas et Mélisande, Ariane et Barbe-Bleue, etc.).

A son tour, le recueil Serres chaudes, fondateur de la poésie de Maeterlinck, puise aussi bien dans l'art des Préraphaélites que dans l'oeuvre d'un Odilon Redon, exposé au Salon des XX à Bruxelles, en 1886, et dont les images nocturnes, les créatures hallucinées (ses étranges araignées humaines), le mystère silencieux, la divulgation d'une réalité autre que celle du quotidien féconde fortement l'imaginaire de l'écrivain. Il s'agit moins pour Maeterlinck de transposer fidèlement un univers visuel que de puiser des matériaux qui seront agencés de manière à susciter des sensations inédites. L'image a chez lui un caractère divinatoire.

Un deuxième aspect de l'exposition insiste sur le fait que le vers ou la prose théâtrale ne sont pas les seuls éléments à constituer un livre. Pour Maeterlinck, l'aspect matériel d'un ouvrage (autrement dit sa présentation), rentre également en considération. Le livre ne peut être un objet de masse, vulgairement édité à l'exemple des romans naturalistes. La collaboration avec des artistes peintres est capitale car elle transforme le livre (et donc le texte) en objet de luxe. L'existence de maisons d'éditions de luxe comme Edmond Deman à Bruxelles ou Louis Van Mele à Gand favorise à l'évidence l'éclosion de ces opus précieux. Par ailleurs, la confrontation à l'image permet un éclairage et une appréhension tout autre de l'univers littéraire. L'image aide à comprendre les parts d'ombre du texte littéraire. Cette interaction est fondamentale et inédite.

La collaboration avec le sculpteur et graveur symboliste Georges Minne (Serres chaudes, La Princesse Maleine, Alladine et Palomides) est sans doute l'une des plus spectaculaires. Le résultat est d'une force graphique évidente : paysages irréels, atmosphères légendaires, figures statiques, démultiplication d'un personnage, statisme, absence de psychologie. Texte et image se répondent par homonymie... Tout aussi intéressant, le travail de Charles Doudelet dont l'art marie la mystique médiévale, le modelé Renaissance et le goût des intérieurs hollandais dans une très belle édition des Douze chansons (Stock, 1896). Le Liégeois Auguste Donnay contribue également a enrichir le texte de Maeterlinck de ses images, encore que son apport est moins en phase avec la spiritualité de l'auteur gantois.


Fernand Khnopff est l'artiste qui réussit la transposition picturale la plus parfaite de l'univers maeterlinckien. Toutes les composantes y figurent : absence d'action, atmosphères silencieuses, temps suspendu, fascination de la couleur bleue, atmosphère des légendes médiévales, présence de l'eau, onirisme, exil intérieur, disparition de l'individu dans un masque facial inexpressif. On ne sait trop si Maeterlinck a connu l'univers de Khnopff mais on est certain que le peintre est fasciné par l'écrivain, comme le prouve la superbe Mélisande de 1907 qui développe un réseau de correspondances, typiquement maeterlinckien, sur l'idée du cercle : cercle de la fontaine, cercle de l'anneau perdu, cercle du monde intérieur de Mélisande, cercle fatal où sera précipitée l'héroïne).

Enfin parmi les plus brillants transpositeurs de l'écrivain, l'Ostendais Léon Spilliaert, autre symboliste de génie, qui rehaussa une édition unique du Théâtre de Maeterlinck (Deman, 1901-1902) de dessins à l'encre de chine, à la gouache et au pastel. Des esquisses d'une pâleur lunaire exceptionnelle, tout comme deux dessins inspirés de Serres chaudes en 1917 également présents à l'exposition. Une bonne partie des tableaux de Spilliaert, notamment les intérieurs mystérieux conçus entre 1905 et 1909, trouve leur explication dans les pièces du dramaturge. Et l'oeuvre de Spilliaert est à sa manière un théâtre du non-dit en images.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour ces commentaires. Ils nous changent des niaiseries qu'on trouve sur les blogs. Vos textes sont très documenté et agréable à lire. Bravo.