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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

jeudi 7 février 2008

L'Université turque hisse les voiles


La levée de l'interdiction du voile dans les Universités est en passe d'être votée au Parlement turc par les députés islamo-conservateurs (AKP) et les ultranationalistes (NHP). Cela afin d'éviter, comme le déclare Erdogan, "les traitements injustes rencontrés par les filles aux portes des Universités". Cette mesure prise à des fins faussement antidiscriminatoires est, en réalité, une atteinte réelle à la séparation des pouvoirs. Atatürk a fait de la Turquie un état laïque. Cela ne signifie pas un état sans pratiques religieuses (il y a 98 % de musulmans dans le pays), mais une société où la chose publique et le fait religieux sont clairement séparés. Tolérer le voile ouvre la voie à la dissolution progressive de ces frontières.

Le choix de ne pas porter le voile restera évidemment libre pour les étudiantes qui le souhaitent, mais celles qui ne le porteront pas auront à subir la pression morale de leurs consoeurs religieuses. Depuis plusieurs années, une idée issue des milieux défavorisés, fait croire que le port du foulard est un gage de respectabilité. Cette "mahalle baskisi", pression de la rue (littéralement du "quartier") est de plus en plus forte en Turquie. Les femmes laïques entendent régulièrement les petits commerçants affirmer "bien que vous ne portiez pas le foulard, vous êtes une femme respectable" ; "cette fille qui ne porte pas de voile est une mauvaise fille"... Les femmes "baby-sitter" ou "ménagères" mettent systématiquement un foulard pour aller travailler afin de préserver cette notion de respectabilité. Le vote prochain de la loi ne ferait qu'étendre la "mahalle baskisi" à l'ensemble de la société civile.

Au-delà du seul fait vestimentaire, cette introduction du dogme religieux à l'Université pose un autre problème. Enlever ou non un foulard le temps d'un cour n'enlève pas les idées fanatiques qui sont dans la tête. Au nom de la démocratie, l'Université peut-elle tolérer des personnes qui revendiquent leur appartenance à un mouvement spirituel incompatible avec l'expérience scientifique, le travail de raison, la pluralité des points de vue? Comment parler objectivement de l'athéisme de Nietzsche sans le condamner. Comment aborder la question de la sexualité en littérature lorsqu'il y a de tels tabous sur le corps? Comment accepter la théorie de l'évolution des espèces (et ses adaptations postérieures) lorsqu'on est adepte du créationnisme coranique? L'Université est une ère de liberté absolue, sa mainmise par l'Islam ou par n'importe quelle religion serait un désastre pour l'évolution de la pensée humaine.

3 commentaires:

Pierre-Jean a dit…

Je partage tes craintes Stéphane, dans l'école (bien bruxelloise) dont je parlais, l'autorisation du port de signes religieux était devenu le seul critère d'inscription pour les parents ou les jeunes filles (quid de la qualité de l'enseignement), une section : technique des industries chimiques, était même une section qui regroupait les filles les plus engagées (une étude sur les 5 années passées dans cette école montrait la persistance de ce fait), il faut dire que les ions et les atomes n'exposent pas trop à des théories littéraires et philosophiques qu'elles ne voulaient pas entendre. Au fil des ans, les filles réfractaires devenaient plus que minoritaires, nombre d'entre elles se mirent à porter un signe religieux ostensible ...Au moment du vote de l'interdiction du port de signes religieux, certaines faisaient la pression suivante "si plus de signes religieux, on arrête l'école....". Comme en Belgique, le ministère de l'éducation refuse lâchement et scandaleusement de prendre position sur le sujet et rejette la responsabilité sur les écoles (donc le personnel), on a vu aussi se dvlpt la forme de chantage suivante : le volume d'emploi des professeurs étant calculé selon le nombre d'élèves, si moins d'élèves car plus de signes=moins d'emplois." et ce fait les élèves le savent très très bien.

Au fond, le laïc radical fransquillon que je suis se satisfait de cette décision, mais j'ai peur de voir se développer des écoles "religieuses"...

Pour évoquer ton dernier paragraphe, et le fond de l'enseignement. Je parlais récemment avec un ami prof de français des thèmes et des exemples abordés aux cours, il faut reconnaitre une certaine forme d'auto censure, ainsi présenter l'origine du monde de Courbet aux élèves serait sans doute assimilé à de la provocation...(on se contente du Déjeuner sur l'herbe lol). Ce qui ne veut pas dire que les cours sont "pudibons", ni politiquement correct, mais qu'une certaine ligne blanche invisible existe sous peine de rencontrer des problèmes...

Attention, je ne souhaite pas noircir cette école, ni en faire une zone philosophiquement hors du temps ce qui est faux, je présente juste des éléments qui soulèvent des questions légitimes. En 6 ans de métier dans des établissements en "D+A" comme on dit poétiquement ici (c'est mieux que ZEP), j'ai été plus qu'heureux avec des élèves comme j'ai eu et comme j'ai encore...

Pierre-Jean a dit…

http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/02/08/pour-l-archeveque-de-cantorbery-l-adoption-pour-partie-de-la-charia-est-inevitable_1009037_3214.html#ens_id=1009140

Courrier International consacre son numéro de la semaine au thème :"laïcité, l'offensive des Eglises en Europe".

Anonyme a dit…

La pression exercée par tes étudiants belges musulmans et la volonté de faire adopter la charia en Grande-Bretagne découlent d'une même attitude : le repli communautaire au nom d'un idéal religieux rétrograde. La création de juridictions parallèles mettrait à mal le crédit de nos lois démocratiques, pire, elle ouvrirait la porte aux violations des droits humains fondamentaux. Comment nos démocraties pourraient-elles admettre le recours aux châtiments corporels si un tribunal islamique condamne une femme pour adultère ? L’égalité entre hommes et femmes acquise au prix d’une lutte historique de plusieurs siècles peut-elle souffrir la ségrégation sexuelle (piscines pour femmes, etc.) au nom d’une pensée archaïque qui relève des pathologies inconscientes d’une communauté ? L’attitude de nos gouvernements devrait être très stricte : l’organisation sociale doit effectivement défendre la diversité ethnique et culturelle de chaque citoyen, mais l’ordonnancement d’une société ne peut se faire qu’à partir d’une loi unique, égalitaire pour tous, fondée sur une pensée qui ne peut être dictée par aucun dogme religieux.