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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

vendredi 9 mai 2008

A méditer...

... cette phrase lue chez Spinoza :

"Ce n'est pas la folie qui est capable de bouleverser le monde, c'est la conscience."

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon cher Stéphane, il me semble qu'il faudrait lire cette phrase dans son contexte (est-elle extraite de "l'Ethique"?) et surtout cerner la notion de "conscience" chez Spinoza.
Amicalement
Marianne

Stéphane DADO a dit…

Difficile de résumer la pensée de Spinoza en quelques lignes (il s'agit bien de l'Ethique). Je vais m'y essayer.

Pour Spinoza, la conscience est cet état d'esprit qui nous pousse à décider d'une chose non par la Raison mais par les caprices du désir. Le désir humain est une chose arbitraire, instable et donc contradictoire, et cette conscience qui dépend de nos désirs varie en fonction du contexte ou de l'état d'esprit du moment. Pour le dire dans les termes de Spinoza : "elle [la conscience] montre en outre que les décrets de l'esprit ne sont rien en dehors des appétits mêmes, et sont par conséquent variables selon l'état variable du corps.

La conscience donne aux hommes l'illusion de croire qu'ils agissent librement, alors qu'ils ignorent les causes cachées par lesquelles ils sont déterminés à agir ou penser de telle ou telle sorte. Il faut rappeler que le système de pensée de Spinoza est guidé par la "nécessité universelle" : la nature, autrement dit, toutes les lois liées à l'univers qui nous entoure, est strictement déterminée par un ordre de la nécessité (évidemment établi par "Dieu"). Spinoza instaure un système fixiste. Nous croyons (notre conscience croit) pouvoir influencer le cours des choses alors que nous sommes le jouet des circonstances. A moins qu'à la place de la "Conscience" se substitue la "Raison", cet éclairage de l'esprit qui essaye de comprendre les vraies lois du monde.

Grâce à cette "Raison" qui est guidée par la pure intelligence, l'homme va finir par comprendre que les lois de causalité qui règlent la Nature et qui sont toutes issues de la volonté de Dieu ne peuvent être apparentées au Bien ou au Mal. Dieu ne pouvait intentionnellement proposer à l'homme le Bien et le Mal, cela aurait signifié que le monde était créé à des fins purement morales. Au lie de proposer le Bien ou le Mal, Dieu a crée, dans la nature le "bon" et le "mauvais", autrement dit ce qui peut nuire à l'homme (un poison) ou le rendre meilleur (un aliment bon pour l'organisme). C'est pour cette raison que les philosophes estiment que Spinoza a remplacé la morale par l'éthique. Le bon et le mauvais sont des comportements qui permettent à l'homme de devenir meilleur ou pire, de s'unir avec des êtres qui renforcent sa nature ou de la détruire, d'établir des rapports avec ce qui renforce ses capacités ou les diminue. Alors que le Bien et le Mal consiste à mettre en valeur la propriété intrinsèque des choses, les notions de bon et de mauvais établissent leur rapport momentané à notre organisme individuel.

Seule la "Raison" permet de faire cette distinction entre le bon et le mauvais. La capricieuse "conscience" est trop volage pour percer les mystères de ces lois, pour distinguer intelligemment le bon du mauvais, et c'est en cela qu'elle est plus aléatoire que la folie et qu'elle peut faire plus de dégât que cette dernière.

Hors de son contexte, la phrase de Spinoza est évidemment trompeuse ou surprenante. On pourrait croire que la conscience est apparentée au monde de la raison, alors qu'en réalité elle est pleinement opposée à celle-ci. Hors de son contexte aussi, cette phrase peut-être matière à une réflexion sur le monde d'aujourd'hui. A-t-on trop sacrifié à la raison et construit un monde au détriment de la folie (autrement dit de la création, des arts...)?

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour cet éclairage sur la pensée de Spinoza, cher Stéphane. Il me semble qu'on ne peut donc pas transposer cette phrase telle quelle. Cela dit, cette notion de conscience est très complexe.Je viens de lire sur internet un résumé de cours sur la notion de conscience chez Descartes, qui n'a précédé Spinoza que d'une génération. Entièrement différente encore !
A bientôt pour de nouvelles méditations,
Marianne