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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

lundi 21 avril 2008

En réponse à la victoire du Standard de Liège

Je hais les sports professionnels en général et le football en particulier. C'est sans doute l'instrument d'abrutissement des masses le plus efficace qui ait été inventé. Il brouille les esprits de toute rationalité, il prive les êtres de toute modération, les éloigne de la beauté, de la réflexion, de la sensibilité humaine, il les plonge dans un déluge de brutalité qui trouvent leur paroxysme dans des drames tragiques comme celui du Heysel. Je hais le sport parce qu'il exacerbe à tous âges les violences primaires (la photo de ce petit enfant ci-contre est effrayante!). Il est un moteur de haines tribales, de racisme porté à sa plus fétide expression (les combats de supporters des pays de l'ex-Yougoslavie à la fin d'un match ont montré tout le "pacifisme" du football). Il est l'antidote de l'amitié et du rapprochement entre les peuples...

Le sport n'a jamais entretenu avec l'amitié qu'un rapport dialectique qui confine à la haine : haine de son propre corps à travers la soumission à une pratique physique violente et humiliante. Haine de l'autre, envisagé comme un adversaire qu'il faut dominer en permanence, vaincre, abattre ou "pulvériser" (pour reprendre une expression effrayante entendue à la télévision)... Haine de la femme et des gays nécessairement faibles, sensibles et donc inférieurs, ridicules, inaptes à participer à cette grande messe de la testostérone machiste. Haine de la pensée humaniste dont un cerveau sportif n'a que faire s'il veut se complaire dans sa violence animale. Haine des êtres vivants, objectivés, méprisés, écrasés pour une idéologie de l'anéantissement ou de la mort. Le sport est une apologie inconsciente de la destruction.

Une victoire comme celle du Standard, ce dimanche soir, classé meilleure équipe de football belge de l'année retentit comme un effroyable cri de guerre dans les rues. Elle engendre chez de rares individus des comportements d'une déplorable bassesse humaine : klaxons péremptoires, alcoolisme de masse, hurlements bestiaux, hystéries collectives : telles les Bacchantes d'Euripide, la foule déverse sa fureur avec une rage triomphante. Celui qui ne partage pas la liesse univoque ou, pire, qui s'en désintéresse, est un renégat social, un apostat sportif qui mérite symboliquement l'internement ou la mort.

Absurdité de ces mouvements de foule, de ces barrissements d'un sous-prolétariat intellectuel suscités par la course imbécile d'une quinzaine de joueurs derrière un ballon. Aucun idéal politique, aucun engagement humanitaire ou social, aucun mouvement artistique ne déclencheraient aujourd'hui une telle mobilisation sociale. Déplorable conditionnement des foules, déchéance humaine qui me fait revenir en mémoire les dernières répliques du Rhinocéros de Ionesco : "Contre tout le monde, je me défendrai, contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !".

J'ai honte pour eux dans des moments pareils et je déplore que cette image avilissante puisse retomber sur les amoureux du sport qui ne partagent pas cet idéal de violence...

13 commentaires:

Doréus a dit…

J'ai le goût d'ajouter (pardon, je ne peux pas m'en empêcher!): Amen.

Effectivement, le sport, surtout lorsqu'il s'agit de la version «professionnelle» ou de tout sport de compétition, est abrutissant. Je ne peux m'empêcher de penser que toute cette énergie populaire investie dans l'activité sportive de compétition pourrait trouver un meilleur exutoire, une utilité sociale plus grande. Tous ces capitaux investis dans les équipes professionnelles pourraient probablement, pour prendre un exemple facile, soulager la faim dans plusieurs pays.

Ici, c'est la folie des séries éliminatoires au hockey. Le football dans sa version européenne (appelé ici soccer) n'arrive toujours pas à soulever l'enthousiasme délirant des foules, sauf autour de la Coupe du Monde. Lors de la dernière, je vivais à Montréal et j'ai été témoin de ces vastes mouvements de foule quasi-incontrôlables que les autorités font de leur mieux pour canaliser et surveiller afin qu'il n'y ait pas (trop) de casse. Le hockey, par contre, soulève les passions et amène des gens autrement rationnels à s'investir dans des prédictions, à énoncer les opinions les plus niaises à propos de leurs équipes. Y'en a marre!

Pourtant, il semble que, surtout depuis la fin du dix-neuvième siècle, alors que le sport professionnel a commencé à faire son apparition, on n'a pas réussi à trouver d'autres moyens pour canaliser l'énergie populaire de manière socialement acceptable. Le sport se voulait alors une préparation physique et psychologique à la guerre (les cours d'éducation physique dérivent à bien des endroits des corps de cadets créés dans les écoles). S'il était possible de harnacher cette poussée et de la diriger vers des objectifs constructifs, il me semble que nous pourrions alors vivre dans un monde meilleur...

Mais je rêve... et je suis moi aussi un de ces intellectuels. Et je n'ai jamais excellé aux sports de compétition, ni jamais vraiment cherché à développer un intérêt pour la chose.

Anonyme a dit…

Je partage votre avis, le sport est une regression. Vous oubliez les tricheries, le scandale du dopage, les sommes d'argent. Danielle

Anonyme a dit…

Quelle diarrhée verbale pour si peu!
Est-ce que j'en dis tant sur les femmes de 58 ans qui viennent à la salle philharmonique et qui demandent à leurs maris qui ronflent ce que l'orchestre va jouer ?
Les femmes qui viennent à Sclessin ne sont pas les moins farouches des supporters...

Anonyme a dit…

Bravo pour l’ouverture d’esprit et heureusement que certains « esprits éclairés » tel que toi sont là pour sauver l’humanité de sa déchéance complète.
C’est vrai qu’il est préférable d’analyse pendant 1 heure, les bras croisés, un doigt sur la bouche et l’air faussement inspiré devant une œuvre contemporaine qui n’est comprise que par les initiés, de sortir, transfiguré, de la projection du dernier court métrage de machin chose que seuls 100 personnes iront voir … que de manifester sa joie, son engouement de manière vulgaire en criant et en chantant dans la rue et même en buvant quelques verres … c’est ce qu’on appelle la liesse populaire… (oh oui le peuple quelle horreur !)
N’est-ce pas aussi « vulgaire » de traiter une jeune fille que tu ne connais pas, qui fume en rue, de « pétasse », de dire et pire de penser que tous les enfants puent et sont insupportables, j’en passe et… des pires.
C’est dommage lorsque l’on se dit « militant en faveur des droits humains » de ne pas comprendre que tous les gens qui pratiquent ou aiment un sport ne sont pas nécessairement des crétins finis ou simplement de ne pas accepter la différence …
Qu’on s’extasie devant quelqu’un qui se dépasse physiquement, plutôt que devant une « œuvre » de Anne Herzé (voir photo poste 18 mars)… c’est un choix ! … et pourquoi pas concilier les 2 d’ailleurs… non c’est impensable les sportifs sont des cons …
Aimer le sport est un droit, le critiquer de manière aussi stupide et virulente en insultant ses supporters, ses adeptes ou ses « pratiquants » est une atteinte à ce droit…
Le sport est loin d’être un antidote à l’amitié et au rapprochement … Pour de nombreuses personnes, la pratique d’un sport ou le fait de suivre des manifestations sportives est une occasion de rencontrer l’autre, d’échanger, de communiquer et pas nécessairement de se taper dessus et être violent !!
Ce poste est vraiment très dérangeant.

Anonyme a dit…

Bien observé, cher Stéphane, je partage entierement ton avis, et encore, je te trouve bien mesuré dans tes propos. Panem et circenses dans l'Antiquité, de la bière et du foot au XXIème siècle... On mesure l'évolution !
Francis de Biesme

Laurence a dit…

Ce qui m'inquiète le plus, c'est la présence importante des politiques au stade. On ne les verrait jamais se bousculer à un concert classique ou ou dans les musées. C'est électoralement moins intéressant. La disparition de la culture dans les école au profit du sport est une autre preuve de la démagogie du politique.

Anonyme a dit…

Stéphane,

Ton texte, très réaliste, traduit un profond malaise face à des mouvements de masse qui s’abreuvent de réactions puériles. Pour assister à ces grands messes du sport, le vulgum pecus n’hésite pas à se peindre, à investir dans l’harnachement du parfait (!) supporter, quitte à devoir simplifier l’intérieur de son assiette pendant quelques jours.

Ce qu’ils oublient tous, c’est que le politique aime ce genre de débordement, rassuré que la masse populaire n’a pas évolué depuis le romains ( du pain et des jeux !). Ainsi, il ( le politique) peut continuer à faire semblant de s’occuper de nous et éluder les problèmes de plus en plus nombreux. L’éventail des politiciens en place s’arrangent d’ailleurs pour être aux premières loges de ce genre de manifestation, partageant hypocritement, le plaisir du bon peuple qui les ont élus démocratiquement.

Le prolongement de ces manifestations « sportives » va bientôt, trouver son apothéose dans les prochains JO de Pékin. Avant les festivités, le voyage sous très haute sécurité de la flamme olympique a déjà entamé un budget prévu pharaonique pour les évènements à venir.

Ce qui m’attriste, c’est le visage marqué du président Rogge. Ce dirigeant constate avec amertume que mettre en place des manifestations sportives propres, restent une utopie de dimension internationale.

Tout est une question d’éducation et d’encadrement, à quand un diplôme homologué pour pouvoir être parents et un programme scolaire intelligent adapté aux vraies valeurs de vie ?

« Nous sommes libres dans la mesure où nous ne le sommes pas » disait l’autre.

Thierry Bauret

Stéphane DADO a dit…

Le sujet divise à coup sûr. Pour répondre à Hugues et Sabine, évidemment qu’il y a des spectateurs et des supporters normaux, que je respecte, je suis même ravi que les femmes aient leur place à la tribune à défaut de l’avoir sur la pelouse aux côtés des sportifs masculins. Il ne s’agit pas ici de condamner le sport (à titre personnel j’aime par exemple le ski alpin) mais ses nombreuses dérives. L’activité physique a toujours été une nécessité pour l’équilibre de l’homme et elle n’est évidemment pas incompatible, comme le signale Sabine, avec une activité intellectuelle (mensa sana in corpore sano), qui ne se résume pas à admirer des œuvres chiantes de façon caricaturale.
Ce que est inadmissible, c’est une société qui axe tout sur le sport, tant dans le divertissement qu’à l’école (comme le signale Laurence) et qui, comme le signale Thierry, évite de réfléchir ou de remuer les vrais problèmes d’une société. Ce n’est pas nouveau, mais le phénomène semble s’amplifier de jours en jours.
 
Les très nombreuses dérives économiques liées au SPORT PROFESSIONNEL, le problème totalement amoral du dopage et surtout la violence extrême que peuvent susciter certains sports : l’hooliganisme n’a jamais été provoqué par une partie d’échecs que je sache. Les sommes immenses consacrées à la défense dans le stade me semblent complètement choquantes alors qu’elles pourraient être consacrées à des secteurs plus importants comme l’enseignement, la recherche médicale ou l’aide sociale.
 
Il ne faut pas tout confondre non plus. Les gens ont certes le droit d’exprimer leur liesse (encore heureux), mais certainement pas jusqu’à quatre heure du matin. C’est d’un irrespect total à l’égard de ceux qui travaillent et qui souhaitent dormir. Tout le monde semble trouver cela normal alors que si les auditeurs d’une manifestation musicale populaire comme le Concours Reine Elisabeth se mettaient à klaxonner toute la nuit parce que le premier lauréat est belge, on affirmerait qu’ils sont stupides et qu’ils troublent l’ordre public ! Au nom de la liesse populaire, on semble aussi  trouver normal que des citoyens sont à deux pas de défoncer la porte du Palais des Princes-Evêques pour approcher les sportifs… Pour moi, ce sont ces actes qui sont véritablement choquants…

Anonyme a dit…

Pourquoi tant de haine? Pourquoi mépriser ces gens qui ont une passion sincère pour le sport comme d'aucuns vont à l'orchestre? Que d'excès !

Stéphane DADO a dit…

Anonyme, je pense que vous lisez mal ou superficiellement, je parle bien de cette frange minoritaire qui a des comportements dignes de l'extrême-droite. Comme je le dis dans ma dernière phrase, cela n'a rien à voir avec les vrais amoureux du sport qui ne partagent pas ces violences. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit...

Anonyme a dit…

Mon cher Stéphane,

Votre billet, et les réponses que vous apportez ensuite à ceux des commentaires qui ne semblent pas y être favorables m'amusent beaucoup.

Vous intitulez votre billet "en réponse à la victoire du Standard de Liège". C'est donc bien elle qui vous dérange. Je suppose que, sinon, vous auriez intitulé celui-ci, par exemple, "en réponse aux quelques excités qui ont tenté de défoncer la porte du Palais des Princes-Evêques", ou quelque chose dans le genre, non?

Vous continuez en publiant une photographie qui semble démontrer un lien avec la victoire du Standard, par les couleurs arborées par cet enfant, le rouge et le blanc, qui sont, vous ne l'ignorez pas -vous avez assez vu ces couleurs la nuit dernière- identiques... Sauf qu'à bien regarder l'image, il s'agit des couleurs d'un autre club, Feyenoord. Un détail...

Vous rationalisez ensuite votre aigreur sous les travers d'un élitisme fermé, qui ne démontre que le manque de connaissance du travail accompli dans les tribunes du Standard de Liège pour accompagner les supporteurs, du fan coaching à la lutte antiraciste en passant par l'accompagnement scolaire.

Vous fermez les yeux sur les nombreuses jeunes femmes, et pourquoi pas jeunes gays, qu'en savez-vous après tout?, présents dans les tribunes. Vous ignorez superbement, par ailleurs, la devise chantée par cette foule bigarrée, où toutes les communautés étaient représentées, émouvant pourtant dans sa simplicité: "tous ensemble".

Vous terminez enfin, à bout d'arguments rationnels, par cet aveu tristement banal: ce qui nous vaut ce billet, c'est que vous n'arriviez pas à dormir. Je vous comprends. Mais c'est également au nom du sommeil des riverains que certaines salles de spectacle sont menacées...

Allez, mon cher Stéphane, reprenez vos esprits. Après une bonne nuit de sommeil, il n'y paraîtra plus. Et, surtout, si vous vous prenez au sérieux, n'oubliez pas d'en rire...

Je vous prie d'agréer, mon cher Stéphane, l'assurance de mes sentiments distingués.

Firass Abu Dalu

PS: j'ai passé la soirée du match dans un café noir de monde. Les quelques supporteurs d'Anderlecht présents n'ont pas été agressés ;-).

Doréus a dit…

Comme pour appuyer tes dires, l'équipe montréalaise de hockey a gagné hier soir... en huitième finale de la Coupe Stanley... et voici le résultat. De la casse pour célébrer. Pourquoi, je me demande?

Effectivement, il y a des sportifs qui ont vraiment l'esprit sportif... et il y en a d'autres qui enlèvent à tout le monde le goût de participer. Et nous ne sommes qu'en huitième de finale... qu'est-ce ce sera si l'équipe se rend à la Coupe? Combien faudra-t-il investir en ressources de sécurité publique?

Stéphane DADO a dit…

Cher Firass,

Effectivement, le bon Anderlechtois que je suis préfère en rire (n'y voyez pas un côté mauvais perdant de ma part)...

Et pour êter tout à fait fairplay, je vous propose cette vidéo qui donne une idée bien alléchante de la grandeur des supporters (ils ne sont pas tous ainsi heureusement)...

http://lepolitiqueshow.dhblogs.be/archive/2008/04/22/michel-daerden-sur-dailymotion.html