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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

mercredi 19 mars 2008

Le dragon parle à saint Georges

Dans un recueil de poèmes de Yànnis Kondos, je tombe sur un très beau texte qui incarne tout l'esprit de la "Genia to 70", la génération des écrivains grecs dont les premiers livres furent publiés en pleine dictature des Colonels (1967-1974). C'est en Kondos que cette "Génération des années 70", qui comprend entre autres Giorgos Markopoulos, Christoforos Leontakis ou Yiannis Patilis, s'est incarnée le mieux. En pleine junte militaire, il parle de l'aliénation du monde moderne, du morcellement de l'être humain, du corps souffrant. Sa langue est tour à tour épique ou tragique, avec de délectables pointes d'humour noir. Sa révolte contre toute dictature et sa haine des armes persistent bien après la chute du régime, notamment dans D'un moine anonyme (1985), recueil qui comprend Le dragon parle à saint Georges. L'animal, incarnation de l'humanisme pacifiste, de la poésie, de l'initiation aux mystères de la vie, succombe sous les coups barbares du guerrier chrétien.

"Toutes les icônes le montrent, tu vas me tuer.
C'est l'après-midi, mes écailles brillent.
Je ne mange que l'herbe de la lune.
Le sang m'est inconnu.
Je réchauffe les yeux de la cité,
les habitants font des cauchemars.
C'est tout ce que je fais -
le reste est mensonge.
Quant à la jeune fille,
quant aux eaux que je tiens prisonnières, vois :
ceci est un jardin avec des pommiers nains
et des fraises que je n'ai pas goûtées.

A présent seuls et face à face.
C'est vendredi, dans la nuit soudain,
les porcelaines de nos visages sombrent.
Je vois ma pensée : une épine dans le ciel.
Je vois encore ta noire pèlerine
s'ouvrir et me recouvrir,
tandis que se lève ta main tenant l'épieu.
Dans d'autres circonstances,
j'aurais pu être un chien dans ta cour.

Sur les tableaux, j'ai des ailes aux membranes vertes.
Je n'ai jamais volé.
Je traîne mon ventre enflé sur le sol
en déplaçant la mer vers la montagne.
A ce moment-là, le verre de ta vois s'est brisé
plantant l'épieu dans mes poumons, jusqu'au coeur.
Un sang épais a jailli,
teignant les chaussures d'argent
des anges, derrière toi,
sur deux rangs, qui riaient.

J'ai lancé le dernier sifflement -
fil de nickel de la terreur.
Les pommes du jardin ont mûri,
sont tombées à mes pieds.
Levant les yeux au ciel,
tu es devenu saint.
Mes griffes plantées dans le sol
répandent musiques et parfums.
J'ai fermé les yeux et j'ai vu."

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