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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

jeudi 20 mars 2008

Le nouveau chagrin des Belges



En pleine répétition de l'Orchestre Philharmonique de Liège, à Essen, je reçois un SMS m'annonçant le décès, ce mecredi, dans un hôpital d'Anvers, du plus grand écrivain flamand, Hugo Claus. Âgé de 78 ans, Claus souffrait de la maladie d'Alzheimer. Il avait demandé à subir une euthanasie, comme la loi l'y autorise afin de mourir dans la dignité, droit que la France, moins progressiste sur la question que la Belgique, n'aura pas accordé à Chantal Sébire, morte également ce mercredi dans son appartement de Plombières-les-Dijon. Etrange et douloureuse coïncidence !

Comme beaucoup d'étudiants, j'ai lu Le chagrin des Belges (1983) trop tôt, sans en mesurer l'importance ou la portée politique. Ce n'est que plus tard que j'ai compris combien Claus était l'ennemi des traditionnalismes et combien il s'était acharné à combattre le provincialisme de la société flamande. Ce n'est que plus tard également que j'ai savouré la flamboyance de sa langue, extravagante et baroque à la manière d'un Michel de Ghelderode, souvent crue, parfois obscène, et d'un rire grotesque digne de Bruegel l'Ancien.

Son théâtre est sans doute la partie de son oeuvre la plus passionnante tant Claus est parvenu à y développer un naturalisme contemporain revisité dans un style burlesque et décapant : La fiancée du matin se penche sur un ton acide sur les amours incestueux de deux adolescents. Sucre conte, à la manière d'un Zola sevré à l'humour noir, la dure réalité du monde du travail. Vendredi, remarquablement interprété il y a un an ou deux au Théâtre le Public, narre avec un cynisme sans égal la sortie de prison d'un ancien pédophile.

Les références au catholicisme sont constantes dans les pièces de ce chrétien sans dieu. La religion est un arrière-fond qui les fait briller de l'éclat des enluminures à moins qu'elle ne devienne source d'iconoclasme comme au Festival de théâtre expérimental de Knokke, en 1967, lors duquel le dramaturge fit paraître trois hommes nus comme incarnation de la Sainte Trinité, ce qui lui valut une condamnation de 4 mois de prison avec sursis.

Ancien membre du groupe Cobra, ce "flamingant francophone", comme il se définissait, avait écrit avec Le chagrin des Belges, le roman qui, selon une enquête menée en 1999 par l'hebdomadaire flamand "Knack" et une association de promotion du livre flamand, est le plus important du XXe siècle en langue néerlandaise. Claus avait été nominé à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de Littérature, distinction suprême qu'il aurait amplement méritée, tant son oeuvre est d'une portée universelle, mais dont il n'aura pas eu l'honneur.

2 commentaires:

Pierre-Jean a dit…

Triste nouvelle !!
Je crains que sa disparition ne symbolise la fin d'une certaine génération d'intellectuels et d'artistes flamands. Flamands certes, mais plutôt loyalistes et dénués d'engagement nationaliste exacerbé et malsain.

Stéphane DADO a dit…

J'ai entendu ce matin la rediffusion d'une interview de Claus. Il y déclarait se sentir flamand surtout lorsqu'il était à l'étranger, en particulier aux Pays-Bas où ses contacts lui semblaient si raides et si sérieux. C'est dans ces moments-là qu'il "lâchait" sa picaresque verve flamande... En réalité, il était surtout Flamand par amour de la langue et des mots. L'universalité de l'homme l'intéressait plus que le nationalisme malsain d'une certaine Flandre.