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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

lundi 25 février 2008

Des flambeaux qui éclairent les discours

La vie est parfois faite de coïncidences troublantes. Ce matin, après un bref passage à la Salle Philharmonique, je reprends distraitement le chemin de mon appartement un livre à la main (il m'arrive souvent de lire dans la rue en marchant lentement). Trois messieurs qui croisent mon chemin me remarquent plongé dans les Proverbes de l'Algérie et du Maghreb, textes publiés entre 1905 et 1907 par un des plus fins lettrés du monde arabe, Mohammed Ben Cheneb. Ils me demandent de manière directe :

- "vous aimez la culture arabe?". Je relève la tête et découvre mes trois interlocuteurs.

- "Oui beaucoup!" ai-je répondu aussitôt. "Vous connaissez ce livre?"

- "Ben Cheneb est notre La Fontaine à nous!"

J'apprends ainsi qu'ils sont tous les trois Algériens. Le plus jeune étudie l'économie dans une haute école de Liège. Les deux autres sont professeurs à l'Université d'Alger où ils comptent rentrer dès le lendemain. Je n'ai pas osé demander s'ils étaient parents ou seulement amis, mais j'ai senti une très forte complicité entre eux. Le plus âgé, la cinquantaine approchante, poursuit la conversation de la sorte :

- "Vous autre, Occidentaux, lisez bien plus que le peuple arabe. On dit chez nous qu'une civilisation qui lit beaucoup ne sera jamais colonisée, au sens intellectuel du mot".

Aussi belle soit-elle, l'expression ne figure pas dans mon ouvrage. Elle est cependant significative d'un état d'esprit typiquement arabe qui est d'employer en abondance des proverbes dans le langage commun. Pour les Algériens, ils sont commes "des flambeaux qui éclairent les discours". Tout le génie d'un peuple, toute la courtoisie et le savoir-vivre de l'Orient s'y expriment.

A l'aide d'un proverbe, on fait taire les bavards, on ranime une conversation, on concilie les coeurs, on évite les longs discours, on admoneste un égaré, on réfute un argument, on répare une erreur, on répond à une invitation. Le proverbe arabe est doté d'une structure symétrique, d'un rythme et d'une musicalité qui en facilite la mémorisation et qui explique sa propagation. Beaucoup de ceux rassemblés par Ben Cheneb ont un sens crypté, une valeur métaphorique et symbolique parfois très ancienne que l'auteur est parvenu à retrouver.

Mes interlocuteurs ont évoqué quelques minutes encore toute l'importance que la culture pouvait jouer dans une civilisation. Puis chacun est parti de son côté. La sympathie mutuelle née de cet échange mérite d'être scelée ici par quelques citations du livre de Ben Cheneb qui en comporte plus de 3000 proverbes classés par ordre alphabétique.

"Si tu as beaucoup, donne de ton bien ; mais si tu as peu, donne de ton coeur."

"Lorsque la lune est avec toi, que t'importent les étoiles !" (se dit lorsqu'une personne haut placée est l'ami d'une autre qui n'aura pas à se mesurer aux subordonnés de la première)

"Quiconque est plus âgé que toi d'un jour est plus expérimenté que toi d'une année."

"Que celui qui dit que le lion est un âne aille lui mettre un licol."

"L'avare ressemble à un âne qui porte de l'or et de l'argent et qui se nourrit de paille."

"Entre chaque point, une chèvre peut se coucher." (se dit d'une mauvaise couture)

"L'étude dans la jeunesse ressemble à la gravure sur la pierre ; l'étude dans la vieillesse, à la gravure sur mer."

"Le minaret s'est penché." (se dit à celui qui se croit important lorsqu'on le charge d'une chose)

"Les chameaux sont les vaisseaux de la terre et les moutons des silos ambulants."

"Les funérailles sont grandioses et le mort est une souris." (Se dit du tapage que l'on fait à propos de choses futiles)

"Un mot dans les coeurs vaut mieux que mille dans les livres."

"L'optimisme est un précipice."

"La persévérance perce le marbre."

"Deux capitaines à bord d'un navire le font toujours sombrer."

"Le raisin sec n'est bon à manger que lorsqu'il est ridé." (se dit pour consoler un ami qui a épousé une femme âgée)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

You write very well.