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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

jeudi 31 janvier 2008

Un Rubens qui fait voir rouge

L’exposition Rubens vient de se clôturer au Musée d’art ancien de Bruxelles. Ce ne fut point une grande rétrospective de son oeuvre, mais un bilan supposé du travail du peintre dans son atelier.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'exposition évoque les années de formation : Rubens retouche les toiles de ses prédecesseurs (ainsi que le montre une Fête de Saint-Martin de Martin van Cleve est rehaussée de ses ajouts chromatiques) et copie les maîtres anciens (il réalise un magnifique portrait de l'alchimiste Paracelse d'après un anonyme du XVIe) ou contemporains (Velazquez).

Le cœur de l’exposition se focalise sur les collaborations "verticales" - entreprises avec l’aide d’apprentis ou d'élèves parmi lesquels un certain Anton Van Dyck - et "horizontales", fruit de l'association avec des artistes renommés comme le paysagiste Hendrick van Balen, le peintre animalier Frans Snyders et surtout ce spécialiste fabuleux des végétaux qu'est Jan Brueghel Ier (on aura admiré une sublime Nature voilée par les trois Grâces dans une guirlande de fruits, de légumes et de fleurs).

Malgré tout l’intérêt de la thématique, la mise en perspective de l'exposition paraît manquer ses objectifs. D'abord parce qu'aucun repère textuel ne permet de comprendre clairement la formation du peintre, notamment les années passées à la cour des Gonzague (vaguement illustrées par un Martyre des Ursulines issu du Palais ducal de Mantoue qui ne dit pas grand chose). Ensuite, rien ne permet de saisir les raisons qui ont poussé le maître à retravailler des tableaux du XVIe siècle. Pas un mot non plus sur les raisons de la collaboration avec des artistes renommés qui apportaient une plus-value aux tableaux de Rubens et permettaient à ses commanditaires l'acquisition de véritables objets de luxe. Enfin, aucune information n’est apportée sur l’organisation de l’atelier du Wapper à Anvers. Qui sont les élèves et apprentis de Rubens ? Quel est leur nombre ? Comment sont-ils recrutés et sur quels critères ? Combien de temps restent-ils dans l'atelier ? Quelle est leur rémunération ? Par quelles sources connaît-on leur nom ? Quelles sont les exigences des commanditaires en matière d'authenticité ? Faut-il payer plus pour avoir un tableau peint seulement par Rubens? Mystère… Et comment différencier les parties traitées par le maître de celles réalisées par son atelier? L'exposition a beau présenter un nombre important d'esquisses à côtés des toiles abouties, on n'en devine pas pour autant qui a fait quoi et quel est l'apport réel de Rubens dans ces tableaux.

Les deux dernières salles sont carrément hermétiques pour celui qui n’a aucune connaissance de la commande que le Gouvernement anglais passa au maître en 1630 pour la salle du trône du palais londonien de Whitehall ou qui ignore que Rubens réalisa les décors d'un arc de triomphe élevé en 1635 à l'occasion de l'entrée du cardinal infant Ferdinand dans la ville d'Anvers. Pas plus d'explications sur les commandes de Philippe IV d'Espagne (de sublimes esquisses mythologiques pour la Torre de la Parada, le pavillon de chasse du roi) ou sur les faux ou les copies tardives (dont une de Delacroix). Par ailleurs, aucune datation n'est reprise sur les étiquettes, il est donc impossible au visiteur d’établir la chronologie des pièces exposées.
Il faut se nourrir des excellents commentaires du catalogue pour y voir plus clair ou avoir la chance de tomber sur un(e) guide compétent(e) pour saisir toutes les subtilités de la présentation.

Les musées ont-ils pour vocation de ne s’adresser qu’à une élite qui peut s’offrir les services d'une historienne de l'art, d'un audioguide encombrant ou d'un catalogue souvent écrit pour les initiés? Comment justifier le prix d'entrée scandaleusement élevé alors que la plupart des œuvres sont exposées dans les collections permanentes du musée le reste de l'année? Là encore, mystère!

Un mot encore sur la présentation qui laisse aussi à désirer. Les murs, peints en rouge sous prétexte que "rubens" signifie "rouge" en latin, rebutent. Et que dire des étiquettes, rédigées dans une taille trois fois plus petite que la police de la Pléiade, sinon qu'elles sont particulièrement faciles à lire dans la pénombre ambiante...

On l'aura compris, le résultat est globalement rebutant et ne pourra que décourager le néophyte qui aurait souhaité renouveler l’expérience du musée.

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