
La confrontation avec Pivot, dans la belle maison blanche du Maine que l'on voit au début du reportage, n'en demeure pas moins révélatrice. Certes, l'auteure reste en représentation, mais l'impressionnante dame accoudée à la table de son salon, n'hésite pas à "se lâcher", avec quelques jolies piques qui égratignent à bon escient. Chez Yourcenar, le flacon de vitriol n'est jamais loin de la tasse de thé...
Parmi les nombreuses révélations intéressantes, pointons son engagement dans de multiples causes pacifistes. Bien que l'action publique, associée au métier d'écrivain, lui fasse horreur (une prise de position que beaucoup d'intellectuels condamneront), Yourcenar déclare qu'en privé, le militantisme est son lot quotidien : elle fait partie d'une quarantaine de sociétés dont deux ou trois en France. Et d'en citer : "les sociétés anti-raciste, droit civil, défense de l'environnement, défense de la faune, défense de la flore, défense de l'océan. J'appartiens au groupe de Cousteau naturellement, etc.". On est plus surpris lorsqu'elle raconte sa marche, un écriteau dans le dos, à Pearl Harbour pour manifester contre la guerre du Vietnam. On s'étonne moins de la voir adresser régulièrement au Président des Etats-Unis des télégrammes contre le développement de bases militaires ou le saccage de réserves naturelles en Alaska. Yourcenar était une redoutable épistolière, ses éditeurs, en particulier Gallimard, ont souvent déclaré forfait face à sa tenacité et on peut supposer que la plus haute personnalité des USA eut du fil à retordre avec elle.
Yourcenar parle encore de ses origines, de l'absence de sentiments pour une mère morte dix jours après sa naissance : "il faudrait être particulièrement sentimentale pour aimer ainsi une personne que l'on n'a pas connue". Plus étonnant, elle revendique une plus grande revalorisation du corps, attachée bien plus à la sensualité physique qu'à la primauté des sentiments (vice de procédure propre à la France depuis l'époque courtoise). Enfin, Yourcenar devient passionnante lorsqu'elle raconte la manière dont ses créatures (Hadrien, Zénon) continuent à vivre en elle, à la nourrir, à la former contredisant l'opinion commune qui veut que des personnages soient le prolongement de leur auteur. Un anti "Madame Bovary, c'est moi" en quelque sorte!
9 commentaires:
c'est donc avec grand plaisir, cloué chez moi par la grippe, que j'abandonne Varese pour écouter une autre musiquetout aussi moderne , celle de cette grande dame, dans ses entretiens avec Patrick de Rosbo
Excellents entretiens effectivement, dont on peut tout au plus déplorer le manque de naturel car tout est écrit d'avance. Patrick de Rosbo est insupportable lorsqu'il se lance dans d'interminables questions parfois plus longues que les réponses. Yourcenar abuse d'une prose trop littéraire mais elle le fait avec une telle élégance qu'on le lui pardonne. La partie consacrée à la notion de style dans le roman est un passage mémorable...
c'est vrai que le style de de Rosbo est ennuyeux, mais peu importe ... même si tout semble convenu par avance, il n'en reste pas moins que MY est fascinante.Le passage sur la notion de chronologie est intéressant ... comment puis-je me procurer les entretiens avec Pivot ?
Je peux te prêter le DVD ou bien tu l'achètes sur www.amazon.fr.
Je me souviens du battage médiatique qui avait été fait par Antenne 2 (comme on disait à l'époque) à l'occasion de la diffusion de cet interview. En particulier, la chaîne insistait sur le fait que c'est le journaliste-vedette qui s'était déplacé, à titre tout à fait exceptionnel, et nom l'écrivain, comme c'était l'habitude pour tous ceux qui venaient chercher là un peu de notoriété pour stimuler leurs ventes.
Ce qui est étonnant, c'est que le déplacement eut lieu à l'occasion de la parution chez Gallimard de "La couronne et la lyre", une anthologie de poèmes grecs, passionnante certes, mais secondaire dans l'oeuvre de Yourcenar...
MY a dit de M Duras " elle a écrit Hiroshima, mon amour et pourquoi pas Auschwitz les choux ? "
Surprenant non ?
La guerre des Marguerittes, en quelque sorte...
l'histoire ne dira jamais si elles se sont effeuillées ..
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