Le Carnaval de Venise, ressuscité depuis 1979, bat actuellement son plein. Et avec lui son cortège de traditions, certaines vieilles de plusieurs dizaines de siècles. En parallèle au Carnaval, la Cité des doges célébrait dimanche dernier la "fête des douze Marie", rituel charmant qui remonte à l'an 943. A l'époque, une douzaine de jeunes Vénitiennes, parées de leurs plus beaux bijous, furent enlevées le jour de leurs noces par des pirates d'Istrie (ces épousailles collectives s'explique par le fait que les mariages vénitiens étaient célébrés un jour par an). Les douze élues furent heureusement retrouvées (la tradition ne dit pas si elles furent défleurées) et pour fêter leur retour, un cortège au départ de San Pietro di Castello, l'ancienne cathédrale de Venise, se rendit à la Basilique San Marco, en passant par la Rive des sept martyrs et la Riva dei Schiavoni.
Cette tradition millénaire fut répétée ensuite chaque année avec, pour figurantes, douze jeunes filles d'origines modestes vêtues de tenues luxieuses et de bijoux prêtés par le trésor de San Marco. Ces douze Marie, choisies parmi les plus belles filles de la ville, furent portées sur les épaules de gondoliers, accompagnées par des musiciens ambulants et une foule de passants masqués. Selon les supersitions d'usage, la chance souriait à toute personne qui les approchait. La fête qui suivait le cortège des Marie pouvait durer de trois à neuf jours.
La « festa delle Marie » qui avait lieu chaque année le 2 février – jour de la Chandeleur, également le jour de la Purification de la Vierge, commençait en réalité le 25 janvier et engageait toute la ville, en chacun de ses quartiers. Elle avait évidemment un caractère public et était réglée par le pouvoir communal. La fête pénétrait à l’intérieur des maisons entraînant des actes de libertinage fréquents au cours des banquets nocturnes. Ces actes conduisirent le Grand Conseil à légiférer sur ces banquets privés, interdisant, en 1349, d’organiser des « dîners ou banquets de femmes » (cenam vel convivium dominarum) à l’occasion des « Marie ». A la longue, la République décida de remplacer les douze jeunes filles par douze statues de bois, des "Marie di legno" qui auraient donné leur nom à ces pantins de bois qu'on nomme "marionnettes". Les protestations furent si virulentes que la République fut contrainte de supprimer la fête en 1379. Sept siècles plus tard, le cortège des Marie vit à nouveau le jour.
Dimanche dernier, à 16h30, Ornella Muti, marraine des douze "pucelles", grimée en marquise du XVIIIe (cf. photo), accueillait sur l'immense podium dressé place Saint-Marc le cortège des élues, parti une heure et demi plus tôt de Castello pour un périple processionnelle qui tenait pkus du parcours de séduction que de la marche religieuse. Dans une semaine, pour la clôture du Carnaval, un jury désignera la plus belle Marie de l'année.
Qui êtes-vous ?
- Stéphane DADO
- Liège, Belgium
- Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.
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