
Le 7e tome, Michael Tolliver est vivant, prolonge un peu inutilement la série. Nous sommes en 2005, la communauté des seventies est éclatée. Anna Madrigal est une vieille dame de 85 ans qui se prépare toujours ses joints ; Michael accuse une bonne cinquantaine et vit avec un fringant jeunot parfaitement lice, Ben, totalement épris de son "daddy". Cette relation artificielle qui donne l'impression que l'auteur essaye constamment de se dédouaner de sa propre liaison avec un homme plus jeune que lui, convainc aussi peu que les mises en scène poussives imaginées pour prouver la vigueur sexuelle crépusculaire du héros.
Pour le reste, l'intrigue est mince : Michael apprend que sa "mère biologique", homophobe de base et tyran domestique, est malade, il lui rend visite en Floride et doit se confronter à son frère Irwin un ultraconservateur d'une niaiserie bien républicaine. Au moment où la mère est sur le point de passer l'arme à gauche, Anna Madrigal, la "mère logique" de Michael, est victime d'une attaque cardiaque. Michael décide d'être aux côtés de cette dernière, relayé par les rares survivants des six premiers volumes, Maupin ne nous épargnant pas l'éloge de la "vraie famille", celle de l'amitié. Une partie du roman est construite sur cette opposition entre devoir conventionnel et instinct affectif, entre lien du sang et lien du cœur.
Après 20 ans d'interruption, l'exercice de la reprise ne pouvait qu'être périlleux. Transposées dans la sinistrose puritaine et le politiquement correcte des années Bush, les Chroniques perdent leur antique saveur contestataire, Maupin s'englue facilement dans des préoccupations trop terre à terre ; il n'est plus qu'un pâle baba enfermé dans son passé. Quelques personnages - la délicieuse Shawna, Jake Greenleaf, une trans FtM (female to male), « non opéré », qui accepte difficilement son physique - sortent du lot et posent des questions pertinentes sur l'identité du corps et la sexualité aujourd'hui, mais ces deux pôles déjantés des années 2000 ne sont que de faibles contrepoids dans le roman.
Maupin nous réserve un 8e tome, L'automne de Mary Ann, qui, espérons-le, sera moins morose et ennuyeux.
2 commentaires:
Bon... voilà un livre que je n'ai pas à lire. Curieusement, ce que tu en racontes me rappelle les livres et pièces de Michel Tremblay qui ressemblent maintenant davantage à une commande d'éditeur qu'à une véritable contribution à l'œuvre globale. On y sent la fatigue et quelque part la nostalgie de cette frénésie de la révolution sexuelle dorénavant loin derrière, qui se mêle à ce refus de vieillir propre à la génération du Baby Boom (qui semble particulièrement exacerbée chez les gais). La délicieuse fraîcheur de ses premières pièces et des Chroniques du Plateau Mont-Royal des débuts n'y est simplement plus. Parfois, il faut savoir tirer élégamment sa révérence et aller cultiver son jardin.
Effectivement, "voilà un livre que [tu] n'[as] pas à lire" : simplement parce qu'on vient de te raconter toute l'histoire. Sinon, pour ce qui est de la qualité du livre, franchement, ça vaut le coup de se faire une idée par soi-même. Je viens de le lire, et j'ai beaucoup aimé. Dans les précédents, il y avait une grande part d'aventure, alors que dans celui-ci les évènements relatés sont plus des scénettes du quotidien. Il y aborde des sujets comme la mort, la religion, la famille, la sexualité des "seniors", le vieillissement. Bref, pour ma part, c'est un très bon bouquin... à ne surtout pas lire en s'attendant à la même chose que dans les 6 premiers.
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