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Liège, Belgium
Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.

vendredi 11 avril 2008

Blake et Mortimer percent le mystère des origines

Exception faite de Tintin ou Blake et Mortimer, je n'ai jamais été un grand dévoreur de bandes dessinées occidentales. Leur qualité esthétique me laisse souvent indifférent ; je les trouve relativement brouillonnes, simplistes ou vulgaires, pas assez intellos, pas assez poétiques non plus et surtout plastiquement en retard en comparaison des tendances graphiques développées dans l'art contemporain. Quand bien même les codes narratifs de la B.D. occidentale peuvent être originaux et recherché (From Hell de Moore et Campbell), l'imaginaire mis à contribution (les Norbert de Vadot), l'émotion portée à son comble (Maus de Spiegelman), l'inventivité et la qualité artistique d'auteurs du Proche-Orient (Satrapi ou Abirached) et surtout les dessinateurs de mangas japonais (Tezuka, Toriyama, Urasawa, Umezu et Taniguchi) m'intéressent diablement plus. Il y a des exceptions, les Blake et Mortimer en font partie.

Même si elle est ancrée dans une vague nostalgique un peu réactionnaire, la reprise des personnages de E.P. Jacobs par Yves Sente et André Juilliard est une réussite. Après La Machination Voronov et les deux volumes des Sarcophages du 6e continent, Blake et Mortimer explorent cette fois Le Sanctuaire du Gondwana, une nouvelle aventure tirée à 550.000 exemplaires, déjà un succès en librairie depuis sa sortie le 28 mars. Il faut dire que Sente et Juilliard (bien plus que Van Hamme et Benoît, les premiers à avoir exhumé les personnages d'origine) ont parfaitement assimilé les ingrédients qui font la griffe narrative de Jacobs : une histoire scientifique où peuvent intervenir des éléments fantastiques, une histoire policière sur fond de crise politique, une aventure archéologique dans des mondes perdus. Le Sanctuaire du Gondwana fait clairement partie de cette dernière tendance.

Dans leurs albums, le Sanctuaire n'échappe pas à la règle, Sente et Juilliard parviennent à déjouer remarquablement la contrainte d'époque : les codes graphiques n'ont pas évolué depuis La Marque jaune (Jacobs était pourtant favorable à une transformation esthétique de ses personnages en cas de reprise), les reprises se déroulent dans les années 50, une période totalement inconnues pour les jeunes lecteurs d'aujourd'hui, mais les épigones de Jacobs parviennent à susciter l'intérêt en raccrochant la narration à des thèmes actuels. La Machination Voronov abordait le problème des bactéries venues de l'espace, réalité relatée dans les revues scientifiques d'aujourd'hui. Les Sarcophages évoquaient une menace terroriste (sur l'Expo 58), thème tristement contemporain. Le Sanctuaire du Gondwana se rattache quant à lui à la vogue pour la préhistoire et à l'étude des origines de l'homme. L'album tire son nom du Gondwanaland, ce supercontinent qui, il y a 600 millions d'années était constitué de l'Inde, de l'Antartique et de l'Afrique avant que les trois ne se séparent il y a 160 millions d'années.

Ce même Gondwana fait l'objet d'une redécouverte par Mortimer et ses amis (notamment Nastasia, l'agréable touche féministe de la nouvelle série), après qu'un archéologue allemand a ramené du Tanganyika une bague d'une communauté inconnue. Au coeur de l'Afrique Noire, Mortimer va découvrir la première civilisation humaine, vieille de... 350 millions d'année (!) et surtout ses descendants. Mystère des origines tournant au fantastique, fable moralisatrice sur notre société cupide et avant tout une histoire captivante qui se termine sur un coup de théâtre auquel l'infâme Olrik, qui n'en finit pas de ressusciter d'album en album, n'est évidemment pas étranger. Les couleurs sont superbes, parfois délicieusement criardes, les dessins soignés et réalistes. Les tintinophiles repéreront une allusion au Sceptre d'Ottokar ; les amoureux d'archéologie reconnaîtront Mary et Louis Leaky, anthropologues auxquels ont doit la découverte de nombreux australopithèques, notamment à Olduvai en Tanzanie ; les âmes romantiques plongeront dans le passé de Mortimer et feront connaissance avec son grand amour, l'artiste Sarah Summertown, une autre touche d'humanité dans l'univers viril des deux héros. Un délice, "old chap"...

3 commentaires:

Doréus a dit…

Il y avait longtemps que j'avais entendu parler du projet de cet album... et je l'attendais avec impatience. Puisque je suis désormais loin des librairies francophones, sa sortie m'avait échappé... Il faudra commander!

Les mangas japonais, très peu pour moi; par contre, la BD belge, j'aime bien. Ça change des lectures trop sérieuses! Merci encore pour ce tuyau!

Anonyme a dit…

hé hé très drôle j'ai choisi le même sujet que toi pour mon billet d'aujourd'hui...les grands esprits se rencontrent?

Stéphane DADO a dit…

@ Tu as tort par rapport à la b.d. japonaise. Lis simplement le Journal de mon père ou Quartier lointain de Taniguchi et tu m'en diras des nouvelles. Cela dépasse de loin tout ce qui se fait en occident...

@ Jean-Pierre,
Et si on était plutôt des fashion victims... :-) Marrant en tout cas de trouver cela réactionnaire mais délicieux. Je ressens la même chose... Les psychanalystes diraient que nous sommes en plein processus de régression. Nous assumons pleinement n'est-ce pas! :-)