Le 13 mai prochain, l’Orchestre Symphonique de Detroit tentera une expérience inédite : il sera dirigé par Asimo (prononcé Achimo en japonais, ce qui signifie « les jambes »), un robot humanoïde créé par Honda dont le nom est l’acronyme de « Advanced Step in Innovative Mobility». Le concert aura lieu dans le cadre d’activités organisées par le service éducatif de l’OSD, avec la participation du violoncelliste Yo-Yo Ma.
Depuis 1986, période où les prototypes d'Asimo découvraient la bipédie, les nouvelles générations de ce robot ont fait d’incroyables progrès : Asimo peut se déplacer à une vitesse de 6 km par heure, la mobilité de ses bras est totale, il peut remplir des fonctions d’hôte d’accueil, et, à terme, il viendra en aide aux personnes handicapées ou effectuera des tâches dangereuses pour l'homme. Les "compétences" musicales sont une option supplémentaire : après programmation, Asimo parvient en effet à reproduire avec souplesse les gestes et la battue d’un chef d’orchestre.
Au-delà de l’innovation technologique réellement fascinante, Asimo est un instrument à double facette. Expérimenté dans le cadre d’un projet pédagogique auprès de jeunes publics, il peut susciter un attachement ou une écoute plus active de la musique. Les enfants auront tendance à s’identifier plus facilement à un robot qui prolonge leur univers de jouets qu’à un chef d’orchestre associé au monde des adultes. L’Orchestre de Detroit conçoit d’ailleurs l’expérience du 13 mai en ce sens, il s’agit d’un premier tremplin avant une découverte plus approfondie de l’univers classique aux côtés cette fois d’adultes.
En dehors du cercle scolaire, Asimo risque de donner une image assez caricaturale du métier de chef d'orchestre. Régulièrement, un public qui ne connaît pas l'orchestre symphonique ignore à quoi sert un chef. Il lui sera aisé d'imaginer qu'un robot peut parfaitement se substituer à un humain ou de considérer qu'une partition donne lieu à une lecture purement objective et métronomique. Or, ce sont précisément la subjectivité d'un chef d'orchestre, ses choix stylistiques, sa conception architecturale, ses tempos, ses coups d'archets, sa conception de l'image spatiale, ses couleurs et équilibres sonores, qui font la spécificité et le naturel d'une interprétation ; la subtile variation d'un de ces ingrédients transforme une partition, lui donne un caractère différent et renouvelé. Aucune machine ne sera jamais en mesure de doser ces paramètres selon des critères artistiques réfléchis. Aucune machine ne sera non plus capable de donner du plaisir à des musiciens, de partager ses émotions, d'inciter à se surpasser comme le fait un véritable maestro. Il manquera toujours le côté aventureux, les prises de risques, les trajectoires aléatoires qui font toute la magie d'un concert. Encore un rare domaine où l'homme sera supérieur à la machine.
Qui êtes-vous ?
- Stéphane DADO
- Liège, Belgium
- Né à Bruxelles dans une famille d'origine grecque, turque, albanaise et bulgare. Etudes secondaires gréco-latines. Licence en Histoire de l'art, Archéologie et Musicologie de l'Université de Liège. Lauréat de la Fondation belge de la Vocation. Ancien journaliste à La Libre Belgique et La Gazette de Liège. Actuellement Chargé de mission développement et médias à l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège. Directeur artistique-adjoint du Festival des Nuits de Septembre. Enseigne l'Histoire sociale de la musique aux Alumni de l'Université de Liège.
3 commentaires:
Entièrement d'accord avec ton avis, Stéphane, un robot n'est qu'une machine, très sophistiquée sans doute, mais qui ne peut pour l'instant reproduire que ce qui lui a été ordonné. Pas de sensation, pas d'émotion, pas de joie ou douleur. En bref, rien de ce qui constitue l'HUMANITE de la musique...!
C'est ps lui qui va remplacer Wigglesworth à l'orchestre de La Monnaie ? Dans Mozart, pourra pas être pire....PJ
On pourra dire qu'on est mithridatisé...
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