Il a fallu trois siècles aux Romains pour établir une liaison terrestre entre Rome et Byzance. Commencée au IIIème siècle avant notre ère par le censeur Claudius, la Via Egnatia fut achevée sous l'empereur Auguste quelques années avant Jésus Christ. Elle constituait le prolongement de la Via Appia, qui joignait Rome à Brindisi. La voie Egnatia, longue de huit cent kilomètres entre Dyrrachium (aujourd'hui Durrës en Albanie) et Byzance, en passant par Thessalonique (qui lui a consacré une chanson célèbre, Egnatia 406), a très vite revêtu une importance considérable puisqu'elle permettait de relier entre elles les deux villes phares de l'empire romain.
Bien plus tard, elle fut empruntée par les Croisés en route vers Jérusalem, et fut parcourue sous l'empire ottoman par des caravanes commerciales qui poussaient parfois jusqu'en Asie : la voie Egnatia était en effet l'un des prolongements occidentaux de la Route de la Soie.
Parce qu'elle traversait la Thrace de part en part, la voie Egnatia conféra à la région une vitalité économique qui n'est plus qu'un lointain souvenir. Dans le cadre des grands empires romain, byzantin puis ottoman, le couloir Xanthi-Komotini-Ferès devait l'essentiel de son dynamisme à cette route et à la proximité de Constantinople. Au début du siècle, le découpage de la Thrace mit un terme à cette vitalité. Mais depuis le début des années 2000, Athènes s'est lancé dans un gigantesque chantier autoroutier qui reliera l'Ouest à l'Est de la Grèce. Son nom : l'autoroute Egnatia. Et suite à la détente gréco-turque de ces dernières années, la Turquie se dit prête à poursuivre l'ouvrage jusqu'à Istanbul. Le censeur Claudius avait vu juste.